En Algérie, des étudiants avides de "changement" mobilisés contre un 5e mandat de Bouteflika

Des étudiants algériens protestent contre l'éventualité d'un 5e mandat d'Abdelaziz Bouteflika, le 26 février 2019 à Alger. - Ryad Kramdi - AFP
Depuis quelques jours, la contestation algérienne a gagné la rue. En ligne de mire: le cinquième mandat vers lequel se dirige Abdelaziz Bouteflika, à la tête du pays depuis presque 20 ans.
Vendredi, ils étaient quelque 20.000 manifestants - selon une source anonyme des services de sécurité à l'AFP - à marcher pacifiquement dans plusieurs villes d'Algérie pour dire "Non au 5e mandat". Le tout dans le calme: au total, seules 41 personnes ont été arrêtées. Dans la capitale, où toute manifestation est officiellement interdite depuis 2001, quelques centaines de manifestants ont convergé vers le siège de la présidence à l'issue de la grande prière hebdomadaire musulmane.
Lundi, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a reconnu "un nombre important de manifestants" mais maintenu que "les élections (auraient) lieu dans moins de deux mois et chacun (choisirait) librement", écartant un renoncement du président de 81 ans.
Les étudiants de plusieurs universités mobilisés
Sans grande surprise, sa déclaration n'a pas convaincu. Lundi, les avocats sont descendus dans la rue. Ce mardi, c'était au tour des étudiants d'exprimer leur ras-le-bol du pouvoir Bouteflika, à la suite d'un appel sur les réseaux sociaux - comme pour les précédents rassemblements.
Dans la matinée, ils étaient plusieurs centaines regroupés sur un campus du centre d'Alger aux cris de "Non au 5e mandat!", "Bouteflika dégage!", "Algérie libre et démocratique". "Pour éviter la confrontation avec la police, les étudiants de plusieurs facultés d'Alger ont décidé de se rassembler dans l'enceinte de l'université", a expliqué à l'AFP Raouf, étudiant en master de journalisme, car "les policiers n'ont pas le droit d'entrer" dans les universités, rappelle-t-il.
Les agents de sécurité de l'université ont cadenassé les grilles pour empêcher les étudiants de sortir, ont en outre constaté des journalistes de l'AFP. Un impressionnant dispositif policier était déployé dans le centre d'Alger et de nombreux véhicules des forces de l'ordre garés sur les axes adjacents à l'université.
De nombreux autres rassemblements ont été rapportés par des médias ou sur les réseaux sociaux, dans l'agglomération d'Alger et plusieurs villes du pays, après le soutien affiché de 11 associations estudiantines à la candidature d'Abdelaziz Bouteflika.
"Nous organisons une démonstration de force afin de montrer que ces 11 associations n'ont pas parlé en notre nom", a expliqué à l'AFP Hakim 23 ans, étudiant en génie civil à l'université des sciences et technologie de Bab Ezzouar (USTHB), à une quinzaine de kilomètres du centre de la capitale.
Une centaine d'étudiants venus d'autres campus ont défilé dans le centre-ville de la capitale, sans que la police n'intervienne. Les étudiants de la faculté de médecine d'Alger, à environ 5 km du centre, ont pour leur part été strictement cantonnés sur leur campus par la police. Certains cortèges étudiants ont pu forcer les barrages policiers afin de défiler dans les rues de la ville, comme le montrent les vidéos de journalistes sur place.
"Je vais être dans la rue pour crier ma soif du changement"
Alors que la décision d'Abdelaziz Bouteflika de briguer un 4e mandat avait déjà suscité l'étonnement en 2014 vu son état de santé, Sid Ahmed Hanoun, étudiant en mathématiques informatique, relève que les Algériens n'ont pratiquement "ni vu ni entendu" leur chef de l'Etat "durant son quatrième mandat". "S'il était encore capable de diriger le pays, tous les Algériens voteraient pour lui", a-t-il soutenu à l'AFP.
"Je vais être dans la rue pour crier ma soif du changement", a assuré à l'agence Mohamed, étudiant en deuxième année de physique. "Le président Bouteflika a réussi durant ses trois premiers mandats à développer le pays mais cela fait sept ans qu'on ne le voit plus", a-t-il relevé.
La voix des jeunes compte lourd dans ce pays de 42 millions d'habitants, où plus de la moitié a moins de 30 ans. Dont près d'un tiers au chômage.