Contestation en Algérie: des milliers de personnes défilent à Alger

Nouvelle journée de mobilisation pour les anti-Bouteflika. "Plusieurs dizaines de milliers d'Algériens" - selon des sources sécuritaires - défilent ce vendredi après-midi en différents points du centre d'Alger contre la perspective d'un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika. En annonçant le 10 février sa candidature à la présidentielle du 18 avril, le président au pouvoir depuis 1999 et qui souffre des séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC) depuis 2013, a mis fin à de longs mois d'incertitude mais a aussi déclenché une contestation d'ampleur inédite en 20 ans et le visant directement, du jamais vu.
"Plusieurs dizaine de milliers de manifestants"
La mobilisation, bien supérieure à celle de la semaine passée à Alger, est décisive ce vendredi, alors qu'il ne reste moins de trois jours au camp présidentiel pour déposer dans les délais - jusqu'à dimanche minuit locale - le dossier de candidature de Bouteflika devant la Conseil constitutionnel.
Des sources sécuritaires ont signalé des manifestations dans près des deux-tiers des wilayas (préfectures) du nord du pays, zone la plus peuplée, sans donner de chiffre exact de participation.
"Pouvoir assassin!", ont scandé les manifestants, brandissant des drapeaux algériens.
Le cortège s'est élancé depuis la Place de la Grande-Poste, bâtiment emblématique du centre d'Alger.
"Le peuple veut la chute du régime"
Composée d'hommes et de femmes de tous âges, la foule n'a cessé de grossir, rejointe par des cortèges venus de divers quartiers de la capitale, la Casbah, Bab el-Oued ou la Place du 1er-Mai, qui le long du chemin, ont forcé plusieurs cordons de police, vite débordés. "Pacifiques!, pacifiques!", entonnaient les manifestants que quelques jets de gaz lacrymogènes n'ont pas réussi à décourager.
"Le peuple veut la chute du régime", "Non au 5e mandat!", "On ne va pas s'arrêter!", a-t-on également entendu.
Aux balcons du centre-ville, de nombreux riverains agitaient des drapeaux algériens, verts et blancs frappés du croissant et de l'étoile rouge, en soutien aux protestataires. Une partie des manifestants a ensuite pris le chemin du Palais du gouvernement, qui abrite tout près les bureaux du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, aux cris de "Ce peuple ne veut pas de Bouteflika!".
La police a dispersé le millier de manifestants regroupés sur un rond-point d'accès en tirant des dizaines de grenades lacrymogènes, faisant massivement refluer la foule. Deux personnes ont été légèrement blessées aux jambes par des éclats selon cette journaliste. Un autre groupe de milliers de personnes se dirigeant vers la présidence a été bloqué à environ un kilomètre de sa destination par la police.
Selon des sources sécuritaires, d'autres rassemblements se sont déroulés sans incidents notamment à Oran et Constantine, deuxième et troisième villes du pays. Mais aussi notamment à Blida (35 km au sud d'Alger), Tizi-Ouzou, Béjaïa, Skikda, Annaba (90, 180, 350 et 400 km à l'est), à Bouira, M'sila, Sétif, Biskra, Batna (90 km, 150, 200 km et 300 km au sud-est), à Médéa, Tiaret et Sidi Bel Abbès (60, 200 et 400 km au sud-ouest).
"Eviter tout débordement"
"Nous sommes là pour encadrer la manifestation et éviter tout éventuel débordement", a indiqué un officier de police, alors qu'un hélicoptère tournoie bruyamment au-dessus du centre-ville. La réaction des forces de l'ordre, qui ont jusqu'ici largement laissé faire, même à Alger où toute manifestation est interdite depuis 2001, devait être également observée de près, alors que le camp présidentiel a fait savoir cette semaine qu'il n'entendait pas reculer face à la rue.
Certains observateurs craignent que les partisans du chef de l'Etat n'utilisent la manière forte pour s'éviter une campagne électorale avec le double handicap d'un candidat absent physiquement et contesté dans la rue. Sa candidature sera déposée le 3 mars, a annoncé son directeur de campagne, Abdelmalek Sellal.
"Personne n'a le droit d'empêcher un citoyen algérien de se porter candidat. C'est un droit constitutionnel".
Le chef de l'Etat est cependant hospitalisé depuis dimanche à Genève, officiellement "pour des examens médicaux périodiques" et son retour en Algérie n'a toujours pas été annoncé.
Appel à la retenue
Comme d'autres membres du camp présidentiel, Ahmed Ouyahia a quant à lui, agité le spectre de la sanglante "décennie noire" de guerre civile (1992-2002) en Algérie et du chaos syrien.
Les manifestants lui ont répondu aujourd'hui en scandant massivement "Ouyahia, l'Algérie c'est pas la Syrie!"
Toute la semaine, les rassemblements d'ampleur variable se sont succédé: mouvement citoyen, avocats, étudiants et journalistes, ont tour à tour manifesté.