Cinq journalistes tués en Ukraine: quel statut ont les reporters en temps de guerre?

Les journalistes Pierre Zakrzewski de Fox News et sa fixeuse ukrainienne Oleksandra Kuvshynov ont été tués en Ukraine. - AFP PHOTO / FOX NEWS
Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, le 24 janvier dernier, cinq journalistes, dont deux étrangers, sont morts en couvrant le conflit. Ce lundi, le cameraman franco-irlandais de la chaîne américaine Fox News, Pierre Zakrzewski, et la journaliste ukrainienne Oleksandra Kuvshynova, ont été tués près de Kiev quand leur véhicule a été la cible de tirs. La veille, l'Américain Brent Renaud avait également été fauché par une balle dans la banlieue de la capitale. Quelques jours plus tôt, deux de leurs confrères ukrainiens, Evgueni Sakoun et Viktor Doudar, avaient perdu la vie.
L'annonce de la mort des reporters a soulevé une vague d'indignation au niveau mondial, tant politiquement que dans l'opinion publique. En zone de guerre, quelles règles s'appliquent alors à la presse? Les journalistes ont-ils un statut particulier?
Considérés comme des civils
En 1864, la première Convention de Genève est adoptée. Aujourd'hui, ce sont les textes rédigés après la Deuxième Guerre mondiale qui sont en vigueur, dont les quatre Conventions de 1949, et trois protocoles adoptés a posteriori.
C'est justement dans l'un des protocoles de la Convention de 1949 qu'est abordée la question des journalistes en zone de conflit armé. Ces derniers sont "considérés comme des personnes civiles", précise l'article 79 du premier protocole additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, à condition "de n'entreprendre aucune action qui porte atteinte à leur statut de personnes civiles".
Reporters sans frontières, dans un communiqué de mars 2022, précise que les journalistes dans les zones de guerre sont donc considérés comme des civils - et doivent être protégés en tant que tels - à condition de ne pas participer "directement à l'effort de guerre", et de ne pas s'adonner à des "activités d'espionnage".
Ainsi, toute atteinte délibérée causant des atteintes graves ou la mort d'un journaliste en zone de conflit armé revient à s'en prendre à un civil et constitue une infraction grave à la Convention de Genève, ce qui relève du crime de guerre. Ces principes s'appliquent également aux correspondants de guerre accrédités par les autorités militaires. A noter que la notion de journaliste est entendue ici au sens large: elle englobe aussi bien les reporters que les photographes, les cameraman ou les techniciens.
Les journalistes protégés par le droit international humanitaire
En tant que civils, les journalistes bénéficient de la protection accordée par l'ensemble du droit international humanitaire (DIH) aux personnes civiles. En cas d'arrestation ou de détention par des forces armées, il est considéré, comme toute personne civile, comme prisonnier de guerre. Ces derniers, toujours conformément à la Convention de Genève, doivent être traités avec humanité.
Comme le précise le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les "membres de la presse militaire sont des combattants" et, à ce titre, bénéficient de la protection octroyée aux soldats en vertu du DIH.
En réaction à la mort de Pierre Zakrzewski et de la journaliste ukrainienne Oleksandra Kuvshynova, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a rappelé ce mercredi "l'obligation qui incombe aux forces armées de protéger les journalistes conformément au droit humanitaire international. Ces événements illustrent l'extrême dangerosité aujourd'hui du théâtre ukrainien", a-t-il ajouté.
Une enquête pour crime de guerre a d'ailleurs été ouverte en France après la mort du cameraman franco-irlandais, a annoncé la justice ce mercredi.