"Trouillard zoologique", "clown cocaïné"... Dmitri Medvedev, l'ancien président russe devenu roi de la provocation

Dmitri Medvedev (ex président russe) - YEKATERINA SHTUKINA - AFP
Ces dernières années, celui qui passait pour un réformateur libéral au Kremlin a surtout fait parler de lui pour ses déclarations on ne peut plus provocatrices. Habitué des insultes en tout genre, l'ex-président russe Dmitri Medvedev se distingue depuis le début de l'invasion en Ukraine par ses sorties décriées, qui ont fini par déclencher la colère de Donald Trump.
Sur ses comptes Telegram et X, l'ancien chef d'État (2008-2012) et Premier ministre (2012-2020) russe prend un tournant très offensif après le lancement de l'offensive russe contre l'Ukraine début 2022.
Loin de son image de dirigeant modernisateur et féru de nouvelles technologies d'autrefois, il utilise des qualificatifs orduriers plutôt que de nommer le président ukrainien Volodymyr Zelensky, se délecte d'un supposé déclin des Européens et, régulièrement, brandit le spectre d'une guerre nucléaire destructrice avec les Occidentaux.
Ses messages reçoivent en général un écho limité, à la mesure d'une influence désormais restreinte en Russie, dont Dmitri Medvedev reste vice-président du Conseil de Sécurité. Mais ils ont fini par irriter le président des États-Unis, qui, contrairement au ton mesuré employé envers Vladimir Poutine, l'a vivement pris à partie.
Zelensky qualifié de "clown cocaïné"
L'escalade a pris une tournure spectaculaire vendredi lorsque Donald Trump a écrit avoir "ordonné que deux sous-marins nucléaires soient positionnés dans les zones appropriées, au cas où ces déclarations idiotes et incendiaires soient plus sérieuses que cela". Il a expliqué aux journalistes avoir réagi ainsi parce que l'ancien dirigeant russe, qui fêtera en septembre ses 60 ans, avait lui-même brandi la menace nucléaire.
Après de premiers échanges par réseaux interposés, Dmitri Medvedev avait en effet fustigé Donald Trump en citant "la fameuse 'main morte'", une allusion à un système automatisé ultra-secret mis en place par l'Union soviétique pendant la Guerre froide pour prendre le contrôle de son arsenal nucléaire en cas de destruction de sa chaîne de commandement.
Il s'était pourtant montré ces derniers mois plutôt cléments envers le républicain, saluant sa volonté de bousculer l'ordre économique mondial en brutalisant ses alliés traditionnels ou encore la manière dont il avait réprimandé Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche.
Il avait qualifié, en février dernier sur Telegram, le président ukrainien de "clown cocaïné" et de "porc insolent", qui avait "finalement reçu une bonne baffe" de la part de Donald Trump après leur rencontre chaotique à la Maison Blanche.
Dmitri Medvedev se montre aussi très virulent envers les Européens en accusant Friedrich Merz, alors futur chancelier allemand, de "mentir comme Goebbels", du nom de celui qui était le ministre de la Propagande de l'Allemagne nazie, ou de se réjouir des difficultés de la "méchante" présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Dans l'ombre de Poutine
Né à Leningrad - l'ancien nom de Saint-Pétersbourg, comme Vladimir Poutine, Dmitri Medvedev a fait toute sa carrière dans l'ombre de son mentor. Mais ce juriste de formation, considéré comme l'un des meneurs de l'aile "libérale" du poutinisme, a été marginalisé par la montée en puissance du clan rival des "siloviki" (militaires et services de sécurité).
Il entre dans les années 1990 au Comité des relations extérieures de la municipalité, alors dirigé par Vladimir Poutine, qui le fait transférer à Moscou en 1999. Élu chef de l'État en 2000, Vladimir Poutine le nomme bientôt chef de l'administration présidentielle, puis en 2005 vice-Premier ministre.
Dmitri Medvedev est élu président en 2008, Vladimir Poutine ne pouvant enchaîner plus de deux mandats consécutifs. Mais, dans ce qui sera décrit comme une simple "permutation", Vladimir Poutine est son Premier ministre avant de reprendre les rênes du pouvoir en 2012. Président, Dmitri Medvedev affiche une proximité avec son homologue américain Barack Obama en 2010, et sa volonté de relancer la relation avec les États-Unis.
Une modernité apparente
Cet amateur de rock, fan déclaré du groupe américain Linkin Park, cultive alors une image de modernité, se faisant présenter lors d'une visite dans la Silicon Valley un iPhone par le fondateur d'Apple Steve Jobs, ou inaugurant son compte Twitter dans les locaux de l'entreprise. En politique internationale, ce rapprochement se traduit par la simple abstention de la Russie, plutôt qu'un veto, lors du vote d'une résolution sur la Libye au Conseil de sécurité de l'ONU en 2011.
Cette décision, qui permettra à l'Otan de lancer l'intervention militaire qui conduira au renversement de Kadhafi, suscitera la réprobation de Vladimir Poutine. Devenu Premier ministre après le retour au Kremlin de Vladimir Poutine en 2012, il s'efface progressivement, réduit aux questions techniques et captant le mécontentement des Russes face aux difficultés économiques.
Il est finalement remercié début 2020, existant depuis surtout dans l'espace public par ses messages provocateurs. Parmi ses récentes frasques: en 2024, il avait étrillé le président français Emmanuel Macron, qui se déplaçait en Ukraine en guerre, le qualifiant de "trouillard zoologique" et avait recommandé "à son bureau de prendre plusieurs paires de caleçons".