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Russie: Alexeï Navalny, l'homme qui fait (un peu) trembler le Kremlin

Alexeï Navalny, candidat aux municipales moscovites, a été éliminé dès le premier tour.

Alexeï Navalny, candidat aux municipales moscovites, a été éliminé dès le premier tour. - -

Alors que le candidat du pouvoir, Sergei Sobianine, a été élu sans problème dimanche aux municipales de Moscou, Alexeï Navalny crie à la fraude. Mais qui est ce blogueur anticorruption, aux positions ambiguës, devenu opposant numéro 1?

"Nous n'oublierons rien et ne pardonnerons rien". C’est par ces mots qu’Alexeï Navalny haranguait la foule durant les manifestations à la suite des élections législatives russes en décembre 2011. Avant cela, l’avocat blogueur n'était qu'un opposant parmi d'autres. En quelques semaines et plusieurs slogans bien sentis, il est devenu le fer de lance de la contestation anti-Poutine.

Mais qui se cache derrière ce nouveau visage de l'opposition russe? Alexeï Navalny, né en 1976 dans la banlieue de Moscou, a d'abord fréquenté l’université de l’Amitié des peuples, puis effectué un semestre à Yale (ce qui lui vaut plusieurs piques du Kremlin sur son attachement aux Etats-Unis), avant de sortir diplômé en droit des affaires.

Très vite, il rejoint le parti d'opposition Iabloko et entre en guerre contre Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine. Son credo? La lutte contre la corruption, qui gangrène selon lui (et d'autres opposants) l'élite du pouvoir russe.

Un opposant aux techniques modernes

Son site internet Rospil a pour ambition de traquer les faits de corruption en décortiquant comptes et appels d'offres de l'administration. Il publie aussi des investigations, des documents prouvant par exemple que tel ou tel responsable officiel possède villa ou intérêts non déclarés à l'étranger.

Mais comment construire une opposition dans un pays aussi verrouillé que la Russie? Alexeï Navalny fait partie de cette nouvelle génération d'opposants qui utilise les techniques occidentales, notamment celle mises en place aux Etats-Unis par l'équipe de Barack Obama.

Il tweete sans relâche, gère des dizaines de volontaires qui organisent ses actions, dispose d'un photographe personnel, multiplie les contacts internationaux, enchaîne les meetings. Fin communicant, il soigne son image d'homme de la classe moyenne moscovite, "qui s'inquiète pour ses factures d'électricité" dans son appartement loin du centre-ville. Marié, père de deux enfants, il aime s'afficher en jeans et en basket pour démontrer sa simplicité.

Son sens de la formule et ses slogans chocs touchent profondément le cœur des Russes. Comme lorsqu'il scande: "Le pouvoir, c'est nous" ou "Poutine, voleur". Ce qui lui vaudra deux séjours en prison.

Des positions ambiguës

Pour autant, l'homme n'est pas exempt de contradictions. Difficile à classer sur un échiquier politique occidental traditionnel, Alexeï Navalny se réclame nationaliste et libéral, ce qui le classerait plutôt à la droite de la droite.

Il déclare "vide de sens" l'interdiction des "gay parades" mais n'hésite pas à marcher avec les ultras nationalistes russes dans des manifestations aux relents racistes. Il exige plus de transparence tout en érigeant la lutte contre l’immigration illégale comme une priorité nationale.

Evidemment, le Kremlin voit d'un mauvais œil la popularité de l'avocat moscovite. En juillet, la commission électorale (aux ordres du Kremlin), l’autorise à la surprise générale à se présenter aux élections municipales moscovites. Navalny n’a pas le temps de savourer cette maigre victoire: le lendemain, un tribunal le condamne à cinq ans de réclusion en colonie pénitentiaire pour détournement de fonds à l’époque où il était le conseiller d’un gouverneur de région.

Laissé en liberté jusqu'à l'examen du verdict en appel, il continue de faire campagne sans relâche et de participer à ce jeu du chat et de la souris avec le pouvoir.

Durer dans le temps

Alexeï Navalny ne sera pas élu à la mairie de Moscou. Il le sait et cela n'entre pas dans ses plans. L'opposant numéro 1 espère plutôt consolider la base de son opposition et en faire un mouvement cohérent qui perdurera dans le temps.

L'homme n'a jamais caché ses ambitions présidentielles. "Change la Russie, commence par Moscou", son slogan de campagne de campagne laisse peu de place à l'incertitude: Navalny vise plus haut que la capitale russe.

Mais nul doute que le pouvoir en place continuera de lui mettre des bâtons dans les roues. Sa condamnation à cinq ans de prison qui reste en suspens est là pour le lui rappeler.

"Nous n'oublierons rien et ne pardonnerons rien". C’est également le cas du régime de Vladimir Poutine.

E.B.