Guerre en Ukraine: quelles conséquences pour la Russie après son exclusion du Conseil de l'Europe?

Réunion d'ambassadeurs au Conseil de l'EUrope, à Strasbourg, le 24 février 2022 sur la situation en Ukraine après l'invasion russe - PATRICK HERTZOG / AFP
Sur le départ, puis exclue. Alors que Moscou avait pris les devants mardi en annonçant sa démission du Conseil de l'Europe, l'instance a annoncé ce mercredi l'exclusion à effet immédiat du pays. Une décision historique qui fait suite à la guerre déclarée par la Russie en Ukraine.
Ce n'est pas une première mais une seconde occurrence dans l'histoire de l'institution paneuropéenne, qui ne compte désormais plus que 46 États membres: en 1969, sous le régime dictatorial des colonels, la Grèce avait aussi quitté le Conseil, avant de le réintégrer en 1974 à la dissolution du régime.
Exclusion inédite
À la différence près que ce départ de l'organisation faisait suite à une "procédure d'invitation au retrait".
"La chose inédite, c'est ce qui s'est passé aujourd'hui avec l'exclusion de la Russie", souligne auprès de BFMTV.com Cécile Goubault-Larrecq, chercheuse en droit international à l'université Paris II - Panthéon Assas.
La décision de ce jour a été prise lors d'une "réunion extraordinaire" du Comité des ministres, qui constitue l'organe exécutif de l'organisation, basée à Strasbourg. Mardi, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) avait opté, lors d'un vote consultatif, pour l'exclusion de la Russie. Une décision qui a des conséquences précises, et n'est pas seulement symbolique.
"Si on s'était arrêté au retrait de la Russie mardi, la Russie n'aurait été effectivement plus membre du Conseil de l'Europe qu'à la fin de cette année. Alors que là, la décision du Comité des ministres a un effet immédiat", explique Cécile Goubault-Larrecq.
Le Conseil de l'Europe a précisé ce mardi que les implications concrètes de la décision de l'exclusion seraient définies ultérieurement par le Comité des ministres, qui reprendra ses réunions la semaine prochaine sur ce sujet.
Retrait de la CEDH
Si la Russie cesse d'adhérer à cette organisation internationale, garante de l'état de droit sur le Vieux Continent, le pays ne sera de facto plus État partie à la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), dont le respect est garanti par la Cour européenne des droits de l'Homme; juridiction à ne pas confondre avec la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui elle dépend de l'Union européenne et de ses 27 États membres.
En revanche, une incertitude existe pour le délai de départ de la CEDH, soulève Cécile Goubault-Larrecq. La doctorante explique que les textes prévoient que tout État quittant la Convention a un "préavis de six mois" mais l'exclusion n'est pas évoquée précisément.
"Cesserait d'être partie à la présente Convention toute partie contractante qui cesserait d'être membre du Conseil de l'Europe", dispose l'article 58 de la CEDH. Mais le délai n'est là non plus pas indiqué.
"Toute la question, c'est de savoir si ce sera dans six mois, ou maintenant", explicite Cécile Goubault-Larrecq.
En conséquence, les justiciables établis en Russie ne pourront plus saisir la CEDH en cas de violation des droits de l'Homme pour les actes commis après son départ effectif. La Fédération "reste responsable de tous les actes qu'elle a commis pendant le temps où elle était membre", par exemple pour des actes commis jusqu'à ce mardi, développe Cécile Goubault-Larrecq.
État le plus condamné par la CEDH
La juriste indique par ailleurs que la Russie était l'État le plus condamné par la Cour européenne des droits de l'Homme, en particulier pour des atteintes au procès équitable mais aussi pour des infractions liées à la liberté d'expression et à la liberté de manifester. Mais pour autant, l'État "ne prenait pas forcément les mesures pour se mettre en conformité avec les arrêts de condamnation", remarque la chercheuse, ce qui peut aussi laisser penser que l'exclusion du Conseil de l'Europe aura une portée plus symbolique que pratique.
La Russie avait adhéré au Conseil de l'Europe en 1996, il y a 26 ans. La Fédération était suspendue depuis le 25 février, après avoir envahi l'Ukraine. Un acte présenté comme une "opération spéciale" par Vladimir Poutine, qui a causé la mort de milliers de personnes depuis son déclenchement.
En 2014, après l'annexion de la Crimée par la Russie, les parlementaires russes du Conseil de l'Europe avaient été privés de leur droit de vote pendant cinq ans, avant de réintégrer l'instance. Ce mardi, le drapeau de la Russie a été descendu de son mât devant le Conseil de l'Europe, où ne flottent plus que les 46 drapeaux des États membres.