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Guerre en Ukraine: l'armée russe est-elle surestimée depuis le début du conflit?

Des soldats et des chars russes - Image d'illustration

Des soldats et des chars russes - Image d'illustration - Marco LONGARI © 2019 AFP

Entre inexpérience et gel du conflit, l'armée russe, qui recule dans certaines zones de combat, n'est pas parvenue à s'emparer rapidement de l'Ukraine.

"La vérité, ce n'est pas ce que dit Poutine, la vérité c’est ce qui se passe sur le terrain." À mesure qu'avance le conflit ukrainien, qui ce mercredi est entré dans son 35e jour, les mouvements de l'armée russe deviennent de plus en plus illisibles.

"Phase de défaite"

Vendredi passé, l'état-major de Moscou avait déclaré vouloir se concentrer sur l'est du pays avant de, dès le lendemain, bombarder la ville de Lviv pourtant située à l'extrême-ouest de l'Ukraine. Mardi, la Russie avait également promis de réduire "radicalement" son activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv, avant de poursuivre ses frappes ces dernières heures.

Pour de nombreux spécialistes, ce décalage entre les déclarations et les actes russes est synonyme d'échec pour Moscou, mais aussi d'une surestimation de sa capacité à gagner cette guerre. Sur notre antenne, François Géré, directeur de l’Institut d’analyse stratégique, assure même que "pour le moment, les Russes sont dans une phase de défaite."

Un constat partagé par le général Bruno Clermont, général de corps aérien, spécialiste de la stratégie militaire, qui tente, toujours sur notre antenne, d'expliquer ces revirements stratégiques.

"Il y a des explications pour cette stratégie. Ils ont clairement perdu la première phase de la guerre qui partait sur une hypothèse fausse, celle qu’il n’y avait pas de résistance ukrainienne. Ils avaient un dispositif pour conquérir un pays sans résistance. Ils ont vu que ça ne fonctionnait pas", avance-t-il. Dans certains régions du pays, dont Irpin, l'armée ukrainienne a même annoncé avoir repris une partie du territoire occupé.

Décalages

Une défaite, pas encore confirmée, mais qui pourrait s'expliquer par une armée impréparée. "Il y a eu deux théâtres qui étaient importants, la Géorgie en 2008, petit état, et la Syrie, aussi petit état. On n’avait jamais vu l’armée russe se déployer massivement sur un territoire grand comme la France", reprend François Géré.

"Je pense que Poutine n’avait pas la juste évaluation des capacités de son armée", complète de son côté le général Bruno Clermont. "La vérité, ce n'est pas ce que dit Poutine, la vérité c’est ce qui se passe sur le terrain. Pendant 30 ans, on a regardé partout sauf du côté de la Russie. Ce n’est qu’à partir de 2014 et la Crimée qu’on a senti qu’il y avait un problème du côté des Russes et que certains services de renseignement s’y sont intéressés", ajoute-t-il.

Ces dernières heures, les autorités américaines ont également communiqué sur ce sujet. Comme le souligne CNN, mardi, le général Tod Wolters, chef du Commandement européen des États-Unis, a fait part du décalage entre l'impression de la supériorité russe et la réalité du terrain qui existait dans les rapports remis aux autorités américaines. Il a d'ailleurs averti qu'un "examen" des services de renseignements serait fait au terme de ce conflit.

De son côté, Vladimir Poutine serait mal informé du déroulement de la guerre car ses conseillers auraient peur de lui révéler la vérité. "Poutine ne savait même pas que son armée recrutait et perdait des conscrits en Ukraine, ce qui démontre une rupture claire dans le flux d'informations fiables parvenant au président russe", affirme un haut responsable américain dans des propos repris par l'AFP.

Le temps est compté

Que peut espérer l'armée russe pour la suite? Si Vladimir Poutine s'attendait à une guerre éclair qui se serait soldée par une victoire aisée, le président russe doit désormais jouer contre la montre et obtenir assez rapidement des victoires militaires.

Selon plusieurs experts, le 9 mai prochain, jour de la victoire soviétique contre le nazisme lors du second conflit mondial, pourrait même devenir une date-butoir pour lui. "Il faudrait que d’ici quelques jours les Russes obtiennes des succès significatifs, Marioupol, mais pas seulement. Il faudrait un encerclement des forces ukrainiennes", avance François Géré. D'autant que pour lui, "il n’y a pas d’exemples dans l’Histoire d’une négociation qui soit parvenue à un résultat commun s'il n’y a pas un rapport de force qui se déclare à un moment donné."

"Ils ont compris qu’ils n’ont pas les forces pour trois fronts et se concentrent sur le plus important, le Donbass et Marioupol. Les quatre prochaines semaines vont être décisives mais ça va durer des mois", pronostique de son côté Bruno Clermont.

Seulement, "les effectifs développés ne sont pas suffisants", reprend François Géré. Pour répondre à cela, Moscou aurait, selon des informations des services britanniques, ordonné le déploiement d'un millier de membres du groupe Wagner, une société militaire para-militaire privée réputée proche du Kremlin et connue pour ses méthodes brutales et sanglantes.

Fin de partie pour Poutine?

Du point de vue russe, la situation est donc compliquée. D'autant que, comme l'explique le journaliste et historien Alexandre Adler dans les colonnes du Parisien, "Poutine a déjà perdu", mais pas seulement sur le plan militaire.

"Ce sont les élites qui le contestent. Il n’est plus soutenu par les élites. Et là, Poutine a déjà perdu. Des oligarques se sont exprimés publiquement. Oleg Deripaska, le patron du deuxième plus grand groupe d’aluminium au monde, ne s’est pas caché pour prendre position contre Poutine. Et ce n’est pas le seul. Il est évident que les oligarques parlent entre eux. Il y a une pression de leur part."

Au point d'être, à terme, renversé? "C’est tout à fait possible. Son successeur a déjà été trouvé: il y a un consensus autour de Sergueï Narychkine, l’ancien chef du renseignement extérieur, pour remplacer Poutine le moment venu. Poutine l’a officiellement destitué il y a quelques jours. On n’est pas loin de la fin de partie", conclut-il, toujours dans le quotidien francilien.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV