Etats-Unis: le ministre de la Justice interdit à la police les contrôles au faciès

Depuis la décision du grand jury à New York de ne pas inculper le policier blanc impliqué dans la mort de Eric Garner, un père de famille Noir, les manifestations se multiplient aux Etats-Unis, comme ici à Berkeley en Californie. - Justin Sullivan - Getty images - AFP
C'est une première décision d'envergure après ce que de nombreux Américains qualifient de bavures policières. Eric Holder, le ministre américain de la Justice, a présenté lundi une réforme renforçant l'interdiction faite aux policiers de réaliser des contrôles au faciès.
"Le contrôle au faciès par les forces de l'ordre est non seulement mauvais mais profondément malencontreux et inefficace, car il gaspille nos précieuses ressources et sape la confiance populaire", a souligné Eric Holder, révisant les principes établis par son prédécesseur en 2003 sous George W. Bush.
Les agents fédéraux exemptés
Plus précisément, les contrôles d'identité "de routine" ou menés de manière "spontanée" aux feux tricolores ou dans la rue ne devront plus être motivés par des critères de race, de sexe ou de religion, à quelques exceptions près. Si les personnes à contrôler sont impliquées dans "un acte criminel, un réseau ou une organisation criminelle, une menace pour la sécurité nationale, ou une opération autorisée du renseignement".
Ces nouveaux critères vont s'appliquer à tous les policiers, qu'ils soient fédéraux ou locaux, à condition qu'ils agissent dans le cadre d'une opération fédérale. Mais ne devront pas être respectés par les autres personnels fédéraux que les forces de l'ordre, comme ceux de l'armée, du renseignement ou de la diplomatie. Idem pour les contrôles aux frontières, comme lors de la vérification des identités ou des bagages dans les aéroports, qui reste du ressort d'un autre département, celui de la Sécurité intérieure.
Nombreuses protestations
Cette annonce intervient dans un contexte particulièrement tendu aux Etats-Unis. Depuis quelques mois, des policiers blancs sont impliqués dans la mort de Noirs américains comme Michael Brown à Ferguson, Tamir Rice à Cleveland ou Eric Garner à New York. La situation est même devenue explosive avec de nombreuses manifestations et protestations depuis la décision d'un grand jury de ne pas inculper le policier blanc qui avait tué en août dernier Michael Brown, un jeune homme de 18 ans, non armé au moment du drame.
L'histoire s'est répétée la semaine dernière, lorsqu'un autre grand jury a également décidé de ne pas poursuivre un autre officier blanc impliqué dans la mort de Eric Garner en juillet dernier, lors de son interpellation, malgré une vidéo accablante pour la police new-yorkaise.
Défense des droits civiques
Pour tenter d'apaiser les tensions, le ministre de la Justice, qui avait déjà demandé l'ouverture d'une enquête fédérale sur l'affaire Garner, a jugé qu'"à la lumière de certains incidents récents", il était "impératif d'entreprendre toutes les actions possibles pour instituer des pratiques policières saines et fortes". Cette réforme "sera l'une des réalisations clés" du mandat de Eric Holder.
Eric Holder, qui a annoncé sa démission du poste de ministre de la Justice en septembre dernier, a précisé que ce nouveau dispositif renforçait "de manière significative la défense des droits civiques" des Américains, au-delà des exigences de la Constitution. Un travail qu'il assure avoir engagé il y a cinq ans, bien avant les derniers événements qui ont touché les Etats-Unis et rappelé les heures sombres de la discrimination raciale.