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États-Unis

Election américaine : "Les Américains aiment bien les Français, quand ils restent à leur place"

Les candidats Obama et Romney devront aussi tisser des liens avec l'Europe

Les candidats Obama et Romney devront aussi tisser des liens avec l'Europe - -

Romney ou Obama, bonnet blanc, blanc bonnet, pour nous Français ? Pas complètement, même si l'élection de l'un ou de l'autre ne va pas chambouler les relations franco-américaines.

Les Américains voteront dans moins d'un mois pour élire leur président. Mais quelle différence cela fait-il pour nous ? D'une manière générale, comment va le couple franco-américain ? Et quelles idées se fait-on les uns des autres ? Interview "miroir" de Thomas Snégaroff, directeur de recherche à l'IRIS et auteur avec François Durpaire de l'ouvrage Les Etats-Unis pour les nuls (éd. First).

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Obama ou Romney, que cela va-t-il changer pour nous, Français ?

C’est une question difficile car en réalité cela ne change rien directement pour la France. On a pu voir que quatre ans d’Obama n’ont pas influencé les relations franco-américaines, que ce soit dans un sens positif ou négatif. Dans le couple américain, tout dépend aussi de la personnalité du dirigeant français. On avait avec Nicolas Sarkozy un président très proaméricain qui avait tissé des relations fortes avec Georges W. Bush, comme ensuite avec Barack Obama. François Hollande est sur la même ligne.

L'arrivée de Mitt Romney au pouvoir pourrait cependant ternir ces relations entre l'Europe et les Etats-Unis. Il a eu des propos très désagréables envers les Européens et avait critiqué la politique menée par Barack Obama, disant qu'elle était d’inspiration européenne. Il avait prévenu qu'en cas de réélection du président sortant, "les Etats-Unis verraient la grève dans quatre ans…" L’Europe est assez présente dans la campagne, mais surtout comme un enjeu de politique intérieure. Concernant les grandes options géopolitiques, les Etats-Unis ont largement besoin de l’Europe et de la France et inversement. Cela ne changera donc pas grand-chose au fond.

Est-il vrai que les Républicains cultivent parfois un sentiment antifrançais ?

Il y a toujours eu entre la France et les Etats-Unis une compétition d’universalisme. Ces deux pays pensent qu’ils ont vocation à imposer un modèle au monde entier. Effectivement, cette concurrence a pu créer des tensions. Les Américains, pas seulement les républicains, aiment bien les Français quand ceux-ci restent à leur place et correspondent à l’image d’Epinal qu’ils s'en font. Les républicains utilisent beaucoup dans l’opinion publique, l’image du Français comme un repoussoir.

C'est-à-dire ?

Pour eux, la France est un pays où l’Etat est ultra présent et qui a porté les socialistes au pouvoir, ce mot étant une insulte. Plus fondamentalement encore, pour un républicain de base, ambiance Reagan ou Bush fils, le Français a une image plutôt féminine. Il manque de virilité, de courage. Robert Kagan, le politologue américain, disait ainsi que "les Américains viennent de Mars les Européens de Vénus". Ou encore : "Nous on fait la cuisine et eux, font la vaisselle". Tout ceci évoque la France qui privilégie le dialogue, qui s'est opposée à la guerre en Irak avec un grand discours de Dominique de Villepin. Et pour des hommes qui préfèrent la force, le dialogue est une valeur féminine.

En 2004 lorsque George Bush affronte John Kerry, les républicains en font des tonnes sur sa francophilie. Bush a eu besoin de féminiser John Kerry qui, contrairement à Bush, est un héros de guerre. Ainsi, les Républicains l'ont "Jean Chéri". Je me souviens qu'en 2003, Tom DeLay qui était le chef des républicains à la Chambre des représentants commençait tous ses discours par : "Hi, ou comme dirait John Kerry, bonjour". Et là, tout le monde s'esclaffait.

Quelles idées fausses se font les Français à propos des républicains et des démocrates ?

On a l'impression, ici en France, que la crise économique favorise les républicains. Mais rien n'est plus faux. Cela vient de la croyance française, selon laquelle la droite gère mieux la crise alors que la gauche dépense plus… Mais aux Etats-Unis, c'est le contraire. Les Américains font davantage confiance aux démocrates qu'aux républicains pour gérer les affaires du pays. C'est l'héritage de Roosevelt et Clinton. Cela permet de comprendre pourquoi notamment Obama ne serait pas automatiquement balayé par les conséquences de la crise économique.

Et concernant l'élection elle-même, le système électoral n'est-il pas très différent du nôtre ?

Oui, quand les médias donnent des rapports d'intentions de vote, Obama à 46% ou 49%, cela n'a aucun sens. En fait, il faut regarder Etat par Etat. Il faut rappeler qu'il s'agit d'une élection indirecte par grands électeurs et qu'on peut être vaincu au suffrage populaire et gagner l'élection car on a plus d'Etats avec des grands électeurs. J'entends souvent que "c'est extrêmement serré, Obama n'a qu'un point d'avance". Mais il faut garder à l'esprit que si Obama gagne moins d'Etats, il gagne aussi les plus peuplés. Et avec l'application du principe de "the winner takes all", il obtient tous les grands électeurs de l'Etat concerné.

Propos recueillis par David Namias