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Donald Trump

"Un maître de la diversion": empêtré dans l'affaire Epstein, Donald Trump sort ses boules puantes contre Barack Obama

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Confronté pour la première fois à une fronde de sa base sur l'affaire Epstein, Donald Trump lance ses piques contre Barack Obama pour faire diversion. Une stratégie des boules puantes que le président républicain utilise régulièrement.

La ficelle est presque trop grosse. Empêtré dans l'affaire Epstein, Donald Trump consacre cette semaine ses prises de parole à des attaques virulentes contre l'ancien président Barack Obama (2009-2017), coupable selon lui de "trahison".

Vendredi, la directrice du renseignement national Tulsi Gabbard avait publié un rapport accusant la figure tutélaire du camp démocrate et son entourage d'avoir monté un "complot" autour des accusations d'ingérence russe dans la campagne de 2016, qui a porté Donald Trump à la Maison Blanche.

Pour le président américain, Barack Obama est "chef de gang" qui "tentait de monter un coup d'État".

Colère du camp "MAGA"

Le républicain a toujours rejeté les conclusions des services de renseignement américains, selon lesquels Moscou a bien œuvré pour favoriser sa première élection. Mais ses attaques ont redoublé d'ardeur ces derniers jours, dans ce qui semble une tentative de rediriger la frustration de ses partisans et l'attention médiatique vers Barack Obama.

Depuis deux semaines, le président peine en effet à se sortir des filets de l'affaire Epstein. Celle-ci a rebondi le 7 juillet quand la ministre de la Justice, après avoir fait miroiter des révélations fracassantes, a dit n'avoir découvert aucune liste de clients du milliardaire et officialisé la thèse de son suicide en prison. Un soufflé qui retombe et qui suscite la colère du mouvement ultra-trumpiste "MAGA" (Make America Great Again), persuadé que les élites protègent depuis des années des personnalités de premier plan liées au criminel sexuel.

Dans ce contexte, l'attaque lancée sur Barack Obama est un "contre-feu pour faire oublier qu'il est enlisé dans une polémique dont pour la première fois, il n'arrive pas à se sortir", confirme à BFMTV.com le spécialiste des États-Unis Alexis Pichard, chercheur associé au Centre de recherches anglophones de l’université Paris Nanterre.

Trump change de sujet

"Voilà ce dont vous devriez réellement parler", a lancé le président républicain aux journalistes, accusant la presse et ses opposants de mener contre lui une "chasse aux sorcières". Une consigne qu'il passe aussi dans son propre camp: "Obama a truqué l'élection (...) vous devriez le dire (aux journalistes, NDLR) à chaque fois qu'une question est inappropriée", a-t-il conseillé aux élus républicains.

Pour Donald Trump, lancer des "boules puantes" contre ses adversaires quand il est mis en difficulté n'a rien de nouveau. C'est même une stratégie qu'il applique au quotidien, explique Alexis Pichard.

L'ancienne vedette de la téléréalité The Apprentice est "un expert dans la maîtrise du récit et un maître de la diversion", souligne l'auteur de Trump et les médias (VA Editions, 2020).

Pour détourner l'attention, le milliardaire s'en prend notamment aux démocrates, en particulier à son prédécesseur Joe Biden. À coups de posts vengeurs publiés en rafale sur son réseau Truth social, il fait porter à l'ancien président tous les maux de l'Amérique, de la crise migratoire à l'inflation. Mis face à son échec à arrêter la guerre en Ukraine, Donald Trump martèle aussi que ce n'est pas "sa" guerre mais "la guerre de Joe Biden".

"Inonder la zone avec de la merde"

Parmi ses cibles favorites figurent aussi les journalistes, et plus largement les médias. Après avoir fait plier les chaînes d'informations ABC et CBS, il réclame désormais 10 milliards de dollars au Wall Street Journal après les révélations du journal conservateur sur les courriers graveleux adressés par Donald Trump à Jeffrey Epstein. Des pressions contre la presse qui s'accentuent depuis son retour à la Maison Blanche.

"Auparavant il se contentait d'invectiver les journalistes sur Twitter, mais depuis son second mandat, il a pris l'habitude de poursuivre les médias devant les tribunaux", relève Alexis Pichard.

Pour le spécialiste des États-Unis, ces manœuvres de diversion s'inscrivent dans une stratégie plus large de rouleau compresseur médiatique. "Son ancien stratège Steve Bannon lui conseillait d''inonder la zone avec de la merde', rappelle le chercheur, c'est-à-dire de noyer les médias dans un flot d'informations et de polémiques pour masquer ses propres ennuis.

Si cette méthode a longtemps dérouté ses adversaires, elle semble trouver ses limites avec l'affaire Epstein. "Hormis Fox News qui consacre une majorité de son temps d'antenne sur les accusations contre Obama, je ne suis pas sûr que Donald Trump trompe grand monde", avance Alexis Pichard.

La preuve, les révélations sur les liens entre Donald Trump et Jeffrey Epstein se multiplient dans les médias américains, et les partisans "MAGA" continuent de demander des comptes à leur président.

François Blanchard