"Il n'est pas le maître du récit médiatique": comment Donald Trump s’embourbe dans le scandale Epstein

Un homme montre une photo du président américain Donald Trump et du pédocriminel Jeffrey Epstein après son installation officieuse dans un abribus le 17 juillet 2025 à Londres, en Angleterre. - LEON NEAL / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP
Les critiques ont remplacé les habituelles louanges. Donald Trump est pointé du doigt par une partie de sa base MAGA (Make America Great Again) ces derniers jours. Au coeur des crispations? L'affaire Epstein, du nom de ce riche financier américain accusé d'avoir orchestré un réseau de pédocriminalité, qui a été retrouvé mort en 2019 dans sa cellule.
Il est reproché au président américain et à son administration un manque de transparence sur cette affaire, voire une tentative délibérée de dissimuler des éléments. Son administration, s'était pourtant engagée à "lever le voile" sur cette affaire "répugnante".
Le 7 juillet dernier, le ministère de la Justice et le FBI ont annoncé n'avoir découvert aucun élément nouveau dans le dossier Epstein qui justifierait la publication de nouveaux documents. Et un mémorandum a particulièrement mis le feu aux poudres.
Une polémique qui enfle
Ce rapport a confirmé le suicide en prison de Jeffrey Epstein, écartant la théorie d'un assassinat visant à le faire taire avant sa traduction en justice. Et a affirmé qu'aucune "liste", recensant les clients impliqués dans des crimes sexuels aux côtés d'Epstein, n'a été découverte. Deux affirmations qui contredisent les croyances des conservateurs MAGA, engagés depuis plusieurs années dans une campagne sur les réseaux sociaux à ce sujet.
"Il faut savoir que la lutte contre la pédophilie motive les MAGA depuis le départ, et Epstein en est comme l'incarnation", souligne Romuald Sciora, directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l'Iris, contacté par BFMTV.com.
Et la controverse a continué d'enfler ces derniers jours avec une série de rebondissements: le Wall Street Journal a publié un article ce jeudi 17 juillet attribuant à Donald Trump une lettre salace adressée au financier américain Jeffrey Epstein en 2003.
La veille, une procureure américaine impliquée dans la procédure pénale contre Jeffrey Epstein a été limogée ce mercredi. Le lien entre son limogeage et la polémique n'est toutefois pas établi: Maurene Comey est aussi la fille de James Comey, l'ancien directeur du FBI, bête noire du président.
Un mouvement MAGA "dans la tourmente"
"La controverse a poussé le mouvement MAGA au bord de son schisme politique le plus grave depuis que Trump est revenu au pouvoir en janvier", estime le média politique américain Politico. Le quotidien britannique The Guardian parle lui d'un mouvement MAGA "dans la tourmente".
"Certains des plus fidèles fantassins de Trump se sont ouvertement révoltés contre son administration", insistent nos confrères d'outre-Manche.
Parmi eux, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson. "Nous devrions tout mettre sur la table et laisser les gens décider", a avancé le leader républicain au micro du podcasteur conservateur Benny Johnson, se disant favorable à "la transparence".
"L'Amérique mérite la vérité sur Jeffrey Epstein et les élites riches et puissantes de son entourage", a asséné sur X la représentante républicaine de Géorgie, Marjorie Taylor Greene, pourtant ultra trumpiste.
Tucker Carlson, ancien présentateur de Fox News, a de son côté accusé le ministère de la Justice de vouloir "étouffer" la vérité et ainsi d'"insulter la population". Quand l'influenceur MAGA Mike Cernovich a lancé un appel direct au président:
"Cela fera partie de votre héritage. Il est encore temps de le changer!".
Son ancien allié, Elon Musk, "profite également de ce petit scandale pour l'éclabousser", note le chercheur Romuald Sciora. "Comment les gens peuvent-ils être censés avoir confiance en Trump s'il ne divulgue pas les dossiers Epstein?", a demandé sur X le patron de Tesla, qui a récemment lancé son propre parti.
Lors d'un échange d'invectives en juin entre les deux hommes, le directeur de SpaceX avait accusé Donald Trump de lui-même figurer "dans le dossier Epstein". "C'est la vraie raison pour laquelle ils n'ont pas été rendus publics", avait-il écrit sur X avant de supprimer sa publication accusatrice.
Le président américain a côtoyé de près Jeffrey Epstein à l'époque où il était magnat de l'immobilier à New York comme l'attestent de nombreuses vidéos et photos mais rien ne prouve qu'il a été impliqué dans ses affaires criminelles.
À plus petite échelle, des utilisateurs de Truth social, un réseau social acquis à la cause de Donald Trump - et lui appartenant - ont également fait part de leur mécontentement. "Je ne comprends pas la raison de votre attitude actuelle", écrit un utilisateur en commentaire d'un post du milliardaire républicain sur cette affaire. "Cela va vous coûter beaucoup de supporters", lance un autre. Plusieurs internautes demandent à leur président de "tenir ses promesses".
"Idiots", "mauviettes": Donald Trump s'énerve face aux critiques
Après avoir tenté de balayer l'affaire en appelant "l'équipe MAGA" à ne pas "gaspiller son temps et son énergie avec Jeffrey Epstein dont personne ne se soucie", Donald Trump a fini par hausser le ton. Il a lui-même multiplié les messages, de plus en plus agacés sur les réseaux sociaux, à ce sujet.
"Quelques républicains stupides et idiots tombent dans le panneau et font le jeu des démocrates", a-t-il attaqué. "Laissez ces mauviettes faire le jeu des démocrates (...) parce que je ne veux plus de leur soutien!", a cinglé le président les qualifiant d'"ANCIENS partisans qui ont tout gobé à ces conneries".

Donald Trump se défend également depuis ce jeudi face à l'article "faux, malveillant et diffamatoire" du Wall Street Journal qui est venu enfoncer le clou. Donald Trump a annoncé qu'il allait les poursuivre en justice. "S'il y avait la moindre vérité sur le canular d'Epstein, en ce qui le concerne le président Trump, cette information aurait été révélée par Comey, Brennan, Crooked Hillary, et d'autres fous de la gauche radicale il y a des années", a-t-il riposté sur Truth Social.
Dans une nouvelle tentative d'éteindre le feu, le président américain a demandé ce jeudi à sa ministre de la Justice Pam Bondi de rendre publics tous les témoignages "pertinents" recueillis par le grand jury - une commission de citoyens investie de pouvoirs d'enquête - "sous réserve de l'accord du tribunal".
Le président américain a dit "avoir hâte d'entendre" Rubert Murdoch, propriétaire du Wall Street Journal "dans mon procès contre lui". Le locataire de la Maison Blanche qualifie son journal d'"ordure". Donald Trump s'interroge aussi sur le rôle des démocrates dans cette affaire.
"S'il y avait une preuve irréfutable contre Epstein, pourquoi les démocrates (...) ne l'ont-ils pas utilisée?", écrit-t-il, avant d'indiquer: "parce qu'ils n'avaient rien!"
"C'est comme le sparadrap du capitaine Haddock"
"Pour la première fois, à ma connaissance, Trump n'est pas le maître du récit médiatique. Habituellement, il arrive à enjôler sa base, et une affaire est toujours balayée par une autre, mais là ce n'est pas le cas", constate auprès de BFMTV.com Lauric Hanneton, maître de conférence à l'université de Versailles et spécialiste de l'histoire politique américaine.
"C'est comme le sparadrap du capitaine Haddock, l'affaire Epstein n'arrête pas de revenir à lui", illustre-t-il. "Et là, il y a un effet d'accumulation."
Cette controverse apparaît comme un retour de bâton pour Donald Trump qui a surfé sur les théories complotistes pour ériger sa base MAGA et se hisser au pouvoir.
"L'ironie de l'histoire, c'est que Trump a basé sa popularité sur les fake news", déclare l'essayiste Romuald Sciora. En 2019, Donald Trump lui-même a laissé entendre qu'il y avait eu une possible dissimulation sur cette affaire, rappelle Politico.
L'affaire Epstein aura-t-elle de réelles conséquences pour le président? Les experts sont divisés à ce sujet. Pour Lauric Hanneton, il risque "l'implosion du système MAGA" à moyen terme car "le populisme, soit le peuple pur et innocent contre les élites corrompues, semble échapper à Trump".
"Il y a toujours plus populiste que soi, et sur cette affaire, il devient lui-même l'élite coupée de la base, ce qu'il dénonçait auparavant", abonde le spécialiste qui invite à observer dans 15 mois les résultats des élections de mi-mandat, voire en amont les primaires au sein du parti républicain. "Ce sera un premier indicateur de l'effritement", juge-t-il.
Le directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l'Iris, Romuald Sciara, estime de son côté que cette affaire, si elle entraîne une "déception plus forte que les autres" au sein de sa base MAGA, elle "n'aura sans doute aucun impact".
"Cela fait dix ans qu'on dit qu'il va être lâché, et ce n'est pas le cas", abonde-t-il soulignant "l'ultra-popularité" dont jouit le président au sein des républicains "triomphant" face à son bilan. "Il y a une sorte de fanatisme envers Donald Trump", rappelle-t-il. "Je pense qu'il reste et restera le chef incontesté et incontestable".