Non-interventionnisme, Afghanistan et Irak: ce qui retient Donald Trump de rentrer dans le conflit Israël-Iran

Le président américain Donald Trump à la Maison Blanche le 5 juin 2025. - Anna Moneymaker / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Des hésitations qui interrogent. Donald Trump décidera d'une éventuelle participation américaine aux frappes d'Israël contre l'Iran "au cours des deux prochaines semaines", a indiqué jeudi soir la Maison Blanche. La déclaration intervient alors que le président des États-Unis souffle le chaud et le froid concernant une possible entrée de son pays dans le conflit entre Israël et l'Iran, qui entre dans son huitième jour ce vendredi 20 juin.
"Compte tenu du fait qu'il y a une possibilité substantielle de négociations éventuelles avec l'Iran dans le futur proche, je prendrai ma décision sur le fait d'y aller ou non au cours des deux prochaines semaines", a fait savoir l'administration américaine.
Un peu plus tôt, mercredi soir, Donald Trump laissait plus que jamais planer le doute sur le sujet. Questionné sur une possible entrée des États-Unis dans le conflit, le président américain avait répondu: "je vais peut-être le faire, peut-être pas".
Alors que Donald Trump appelait mardi les Iraniens à une "capitulation sans conditions" et qu'il affirmait que les Américains avaient désormais le contrôle total de l'espace aérien iranien, et que l'entrée en guerre des États-Unis semblait proche, le président américain a depuis reculé.
Les discussions avec l'Iran en suspens
Affirmant que l'Iran était proche de se doter de l'arme atomique, Israël a lancé dans la nuit du 12 au 13 juin une attaque contre la République islamique qui a ensuite riposté.
Depuis, les échanges meurtriers se poursuivent et ont fait au moins 224 morts côté iranien et au moins 24 morts côté israélien.
Ces frappes surviennent alors que les États-Unis et l'Iran devaient entamer un sixième cycle de discussions sur le nucléaire iranien. L'accord potentiel impliquait que Téhéran arrête son programme de développement du nucléaire en échange d'une levée des sanctions qui paralysent son économie.
Des pourparlers ont débuté ce vendredi en Suisse entre les ministres des Affaires étrangères français, allemand, britannique, de l'UE et iranien, principalement sur cette question du nucléaire.
Un président qui se veut faiseur de paix
"Donald Trump est entouré de gens qui ne cessent de lui dire qu'il faut mener une action militaire contre l'Iran", explique à BFMTV.com François Géré, historien spécialiste en géostratégie, alors que Washington a une tradition interventionniste et est un allié historique de l'État hébreu.
Malgré cette pression, Donald Trump ne fléchit pas, du moins pour l'instant, car "il ne veut pas apparaître comme un homme de guerre", estime l'historien.
De fait, pendant la campagne électorale, le magnat de l'immobilier assurait vouloir en finir avec les engagements militaires à l'étranger et se présentait volontiers comme un faiseur de paix, n'hésitant pas à affirmer qu'il mettrait fin à la guerre en Ukraine "en 24 heures" s'il accédait à la Maison Blanche.
"En tant que président, ma priorité est de mettre fin aux conflits", assurait-il encore le 15 mai dernier lors d'un déplacement dans une base américaine située au Qatar.
"Trump n'a pas pu faire la paix en 100 jours avec Poutine et Zelensky, il était très frustré de tout cela. Le fameux cessez-le-feu pour Gaza dont il s'enorgueillissait avant même l'arrivée à la Maison Blanche n'a pas tenu", note Yves Doutriaux, ex ambassadeur de France à l'OSCE et ambassadeur adjoint à l'ONU, auprès de BFMTV. Il apparaît donc nécessaire pour lui politiquement d'obtenir un succès sur un sujet de politique étrangère.
Des préoccupations nationales
Pour François Géré, Donald Trump préfère ne pas s'impliquer trop sérieusement dans le conflit entre l'Iran et Israël afin de "laisser la responsabilité (de l'escalade militaire NDLR) à Benjamin Netanyahu".
Une façon pour le locataire de la Maison Blanche de se donner la chance d'apparaître plus tard comme celui qui "dit que ça a assez duré", puis qui "se propose pour l'intercession" et "met fin au conflit".
Un rôle valorisant pour Donald Trump et qui pourrait aussi lui permettre de se concentrer sur d'autres questions nationales plus urgentes pour lui. "Il faut faire la différence entre les déclarations tonitruantes de Donald Trump et ses préoccupations réelles en termes de politique intérieure", développe François Géré.
Selon ce dernier, le président est "accaparé à 90% par une espèce de guerre civile aux États-Unis", dit-il en référence aux manifestations contre la politique migratoire du gouvernement qui ont viré en affrontements avec la police.
De fait, les conséquences en termes de politique intérieure pèsent aussi dans la balance pour Donald Trump. "Il a encore trois ans de mandat avec dès l'année prochaine des élections de mi-mandat et ça peut rester pour lui" en cas d'échec, estime Patrick Sauce, chef du service international de BFMTV.
Les Américains peu favorables à une entrée en guerre
"Pour Donald Trump, le calcul est simple: est-ce que l'intervention américaine lui serait profitable?", résume François Géré, suggérant que la réponse est négative.
Non seulement, elle pourrait entraîner en représailles de potentielles frappes sur les bases américaines au Moyen-Orient, mais les interventions militaires sont actuellement impopulaires auprès de la population américaine. Selon un sondage YouGov pour The Economist, paru mardi 17 juin, si la moitié des Américains sondés disent considérer l'Iran comme un ennemi de leur pays, 6 sur 10 affirment que l'armée américaine ne devrait selon eux pas intervenir dans le conflit entre Israël et l'Iran.
"Pour l'Américain moyen, la menace iranienne, c'est extrêmement abstrait", ajoute l'historien pour qui la Russie ou la Chine inquiètent plus actuellement la population que l'Iran.
"Souvent, ce que les gens ne veulent pas, c'est l'envoi de soldats", estime par ailleurs l'historien, estimant que les Américains restent attachés au soutien historique qu'apportent les États-Unis à Israël et que Washington apporte déjà actuellement en termes de renseignements et de défense anti-aérienne à l'État hébreu.
Éviter des scénarios similaires à l'Irak et l'Afghanistan
Selon des sources anonymes à CNN, Donald Trump souhaiterait par ailleurs éviter un conflit similaire à ceux de l'Irak et de l'Afghanistan dans lesquels les États-Unis s'étaient embourbés pendant des années.
Pour l'heure, Donald Trump privilégie donc la diplomatie, une méthode qui lui permet aussi de se donner du temps et de renforcer la présence américaine au Moyen-Orient. Les États-Unis ont ainsi déjà déployé leur porte-avions Nimitz dans la région.
"Ça ne veut pas dire que l'implication se soldera par une offensive ou une co-offensive avec les fameux bombardiers stratégiques B2 qui peuvent délivrer la bombe GBU-57, mais c'est certain que si sous ces 15 jours, Donald Trump laisse à Israël la possibilité de régler militairement cette affaire (...), il y aura des mesures de rétorsion de l'Iran", estime Jérôme Clech, consultant défense à BFMTV et enseignant en stratégie à Sciences Po.