Cuba: une célèbre blogueuse dissidente lance un quotidien numérique

Yoani Sanchez, chef de file des blogueurs d'opposition à Cuba, s'apprête à lancer un quotidien digital afin de "raconter Cuba de l'intérieur". Un pari osé, dans ce pays où l'ensemble du paysage médiatique est contrôlé.

A Cuba, une petite révolution se profile dans le paysage de l'information. La célèbre blogueuse dissidente cubaine Yoani Sanchez, auteur du blog Generación Y, va lancer, mercredi 21 mai, un quotidien digital baptisé "14ymedio". Dans ce pays où l'information est sous le joug des autorités, le pari est ambitieux. D'autant plus que l'objectif de ce site internet est d'informer sur "la réalité nationale" de l'île caribéenne.

"Ce sera un espace pour raconter Cuba de l'intérieur" et "un média qui, nous espérons, aidera et accompagnera la nécessaire transition qui va se dérouler dans notre pays", explique Yoani Sanchez sur son blog.

Premiers avertissements

Avant même le lancement du site, la riposte du régime communiste ne s'est pas faite attendre. "Le chemin sera difficile. Ces dernières semaines, nous avons eu un aperçu de la manière dont la propagande officielle s'efforce de nous diaboliser parce que nous faisons ce média", raconte la Havanaise de 38 ans, qui a reçu de nombreux prix internationaux pour ses chroniques acerbes de la vie quotidienne à Cuba.

"Divers membres de notre équipe de rédaction ont déjà reçu les premiers coups de téléphone d'avertissement de la Sécurité d'Etat. Mais nous n'avons aucune raison de nous sentir coupables. 14ymedio naît sans rien à cacher. L'information concernant sa ligne éditoriale, ses engagements éthiques et son financement sera publiée sur la page web qui sera effective le 21 mai", affirme Yoani Sanchez, qui a d'ores et déjà partagé le logo de ce nouveau média numérique sur son compte Twitter.

Logo de @14ymedio #14ymedio nuevo diario digital con noticias y reportajes sobre #Cuba listo a partir del 21 de mayo pic.twitter.com/k84V50MxZp
— Yoani Sánchez (@yoanisanchez) 17 Mai 2014

Sanchez dans le viseur des autorités

Le nouveau média digital, qui va donc cohabiter avec les versions numériques des journaux officiels, comme Granma ou Trabajadores, tire son nom du 14e étage où vit et travaille Yoani Sanchez à La Havane, ainsi que de l'année 2014, du "Y" qui a fait sa réputation et du "vocable 'medio' ("média", en français) avec toutes ses connotations journalistiques", explique la blogueuse, qui s'attire régulièrement les critiques des partisans du régime communiste cubain.

Les autorités cubaines considèrent généralement tous les opposants comme des "mercenaires" au service des Etats-Unis et dénoncent Yoani Sanchez comme le fer de lance d'une "guerre cybernétique" lancée par Washington contre Cuba. L'accès à son blog Generación Y depuis l'intérieur de l'île a pendant longtemps été bloqué, et Sanchez a été interpellée à de nombreuses reprises.

Une portée limitée?

Dans un cybercafé de La Havane, en juin 2013. © -

Si l'initiative de Yoani Sanchez est louable, son impact sur le quotidien des Cubains vivant sur l'île risque cependant d'être faible. En effet, la connexion à Internet depuis l'intérieur de l'île reste, pour l'heure, limitée aux hôtels, aux cybercafés et aux salles de navigation, ouvertes en 2013. L'accès à Internet y est généralement très cher et reservé à quelques privilégiés, puisque le salaire hebdomadaire moyen sur l'île n'excède pas 20 dollars.

Selon l'ONG Freedom House, seuls 5% des Cubains ont ainsi accès à l'Internet ouvert, tel que nous le connaissons. La majorité des habitants de l'île doit donc se contenter de l'intranet local, entièrement contrôlé par les autorités.

Adrienne Sigel et avec AFP