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Brésil

Selfies, escortes... La police accusée de complaisance avec les émeutiers de Brasilia

Les forces de l'ordre font l'usage de gaz lacrymogène contre les émeutiers pro-Bolsonaro, à Brasilia, le 8 janvier 2023.

Les forces de l'ordre font l'usage de gaz lacrymogène contre les émeutiers pro-Bolsonaro, à Brasilia, le 8 janvier 2023. - Ton MOLINA / AFP

Quelques heures après la reprise de contrôle des lieux de pouvoir brésilien par les forces de l'ordre, l'heure est aux interrogations et aux responsabilités. Sur les réseaux sociaux, les images montrant des policiers fédéraux discuter ou prenant des photos avec les émeutiers se multiplient.

"Les putschistes qui ont promu la destruction des propriétés publiques à Brasilia sont en train d'être identifiés et seront punis. Demain nous reprenons le travail au palais de Planalto. Démocratie toujours", a tweeté Lula. Après les émeutes vient l'heure des responsabilités.

Peu après la reprise par les forces de l'ordre des bâtiments envahis par des centaines de bolsonaristes, dont plus de 300 ont été arrêtés, le président brésilien s'est rendu sur les lieux, pour inspecter les dommages infligés au palais présidentiel, à la Cour suprême et au Congrès.

En déplacement dans l'État de São Paulo au moment des faits, Lula, au pouvoir depuis une semaine pour un troisième mandat de sa carrière politique à la tête du Brésil, a fustigé les "fascistes", qui ont profité d"un manque de sécurité".

Les émeutiers "ont profité du calme du dimanche (...) pour faire ce qu'ils ont fait", a encore écrit Lula sur Twitter, pointant également du doigt son prédecesseur Jair Bolsonaro, qui a rejeté "des accusations" " sans preuves".

Les failles de sécurité au coeur des investigations

Sur place, la zone avait été bouclée par les autorités. Mais les bolsonaristes, pour beaucoup habillés du maillot jaune de la Seleção, la sélection de football du Brésil, un symbole qu'ils se sont approprié, sont parvenus à forcer les cordons de sécurité et ont provoqué des dégâts considérables dans les trois immenses palais, trésors de l'architecture moderne qui regorgent d'oeuvres d'art.

La question d'éventuelles failles de sécurité est désormais au coeur des investigations. Dans un autre tweet, Lula a fustigé la gestion de la police fédérale, accusée de n'avoir pas stoppé la progression des émeutiers.

"Les responsables de la sécurité du district fédéral sont la police du district fédéral, qui ne l'a pas assurée", a-t-il écrit, dénonçant l'"incompétence" et la "mauvaise foi" des forces de sécurité de la capitale.

Une première tête est tombée: le gouverneur de Brasilia, Ibaneis Rocha, proche de Jair Bolsonaro, a été suspendu de ses fonctions pour une durée de 90 jours. Il fera l'objet d'une enquête pour déterminer sa responsabilité dans les failles de sécurité, comme l'a annoncé le ministre de la Justice brésilien Flavio Dino.

La police fédérale a escorté les émeutiers

Des images, largement relayées sur les réseaux sociaux, interrogent sur l'action des policiers de la capitale au moment de l'assaut. Sur ces vidéos, des membres des forces de l'ordre sont filmés en train de se prendre en selfie devant les émeutiers, ou de prendre des photos.

D'autres images montrent des policiers fédéraux discutant calmement avec des bolsonaristes, en plein assaut.

Dans la presse brésilienne, les récits commencent à émerger sur l'organisation minutieuse pendant des semaines des pro-Bolsonaro, qui se sont rassemblés sur les réseaux sociaux, et notamment des messageries cryptées comme Telegram, ce qui n'est pas sans rappeler l'assaut du Capitole à Washington en janvier 2021.

D'autres images, associées aux reconstitutions du parcours des émeutiers par la presse brésilienne, montre la police fédérale escortant les émeutiers jusqu'à la place des Trois Pouvoirs, berceau des trois palais qui représentent l'exécutif, le judiciaire et le législatif.

Selon Globo, beaucoup de bolsonaristes sont arrivés, entre samedi et dimanche, en cars. Le média fait état de 4000 personnes qui se sont réunies devant le quartier général de l'Armée avant d'entamer, vers 14 heures, le trajet de 8 kilomètres les séparant de la place des Trois Pouvoirs.

La masse humaine jaune et verte apparait être escortée par les forces de sécurité de Brasilia, dans le calme. Peu avant 15 heures, les émeutiers forcent les barrages et pénètrent dans le Congrès.

Au même moment, une autre partie de la foule envahit le palais du Planalto, résidence présidentielle. Quelques minutes plus tard, c'est la Cour suprême qui sera à son tour saccagée. Les émeutiers resteront environ quatre heures dans les trois bâtiments, avant d'être délogés par la police anti-émeute.

Flavio Dino a d'ores et déjà annoncé qu'une autre enquête sera ouverte, pour déterminer qui a financé les centaines de cars ayant transporté les partisans de Jair Bolsonaro à Brasilia. De son côté, Jair Bolsonaro est toujours aux États-Unis, et plus particulièrement en Floride, où habite son ami Donald Trump. Visé par plusieurs enquêtes de la Cour suprême, il pourrait toutefois devoir quitter les États-Unis, des parlementaires américains s'étant prononcés ce dimanche soir en faveur de son expulsion.

Fanny Rocher