La Tunisie a sa nouvelle Constitution et un nouveau gouvernement

Le président tunisien Moncef Marzouki brandit une copie de la nouvelle Constitution, peu après son adoption, lors d'une cérémonie à Assemblée nationale constituante, à Tunis le 27 janvier. - -
Trois ans après sa révolution, qui avait déclenché le Printemps arabe, la Tunisie s'est dotée d'une nouvelle Constitution dont certains y voient les bases "de la première démocratie arabe". Cette nouvelle Constitution, signée ce lundi par les dirigeants tunisiens, a été adoptée tard dans la soirée de dimanche. C'est un moment historique, auquel s'ajoute la formation d'un gouvernement appelé à sortir le pays d'une profonde crise politique et à organiser des élections dans l'année.
L'Assemblée nationale constituante (ANC) a approuvé cette loi fondamentale à une majorité écrasante de 200 voix pour, 12 contre et 4 abstentions, dépassant largement la majorité nécessaire de 145 votes. "L'Histoire retiendra avec beaucoup de fierté cette journée", avait proclamé juste avant le vote le président de l'Assemblée, Mustapha Ben Jaafar.
Un texte salué par Ban Ki-moon
Les élus ont célébré l'événement en chantant l'hymne national et en brandissant des drapeaux tunisiens, les doigts en signe de victoire. Ils ont ensuite scandé "Fidèles, fidèles au sang des martyrs de la révolution" de janvier 2011, qui chassa le président Ben Ali du pouvoir. "Dans cette Constitution, tous les Tunisiens et Tunisiennes se retrouvent, cette Constitution préserve nos acquis et jette les fondements d'un Etat démocratique", a déclaré Mustapha Ben Jaafar.
L'adoption de ce texte a été saluée par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, pour qui la Tunisie vient de vivre une "étape historique", offrant un "modèle pour les autres peuples aspirant à des réformes".
La nouvelle Constitution consacre un exécutif bicéphale et accorde une place réduite à l'islam. Elle introduit aussi, pour la première fois dans le monde arabe, un objectif de parité hommes-femmes dans les assemblées élues. Ce compromis vise à éviter une dérive autoritaire dans un pays qui a connu plus d'un demi-siècle de dictature, sous Habib Bourguiba, puis sous Ben Ali, mais aussi à rassurer ceux qui craignaient que les islamistes n'imposent leurs positions dans un pays à forte tradition séculière.
Lundi, deux cérémonies sont prévues, l'une le matin à l'Assemblée où elle sera paraphée par les dirigeants tunisiens, et une seconde dans l'après-midi, à la présidence.
Un gouvernement apolitique pour aller aux élections
L'adoption du texte intervient quelques heures après l'annonce de la composition d'un gouvernement d'indépendants devant conduire la Tunisie vers des élections législatives et présidentielle en 2014.
Les islamistes d'Ennahda ont en effet accepté de quitter le pouvoir pour laisser un cabinet politique sortir la Tunisie de la profonde crise déclenchée par l'assassinat, attribué à la mouvance jihadiste, du député d'opposition Mohamed Brahmi en juillet dernier.
Le nouveau gouvernement, qui doit recevoir dans la semaine la confiance de la Constituante, a été composé par le ministre de l'Industrie sortant, Mehdi Jomaâ.
Ce cabinet est "une équipe extraordinaire qui a conscience des défis", a-t-il ajouté, "la mission n'est pas facile", la Tunisie étant sans cesse déstabilisée par l'essor de jihadistes, les batailles politiques et les conflits sociaux, déjà moteur du soulèvement de 2011.
Mehdi Jomaâ a souligné enfin que "les élections représentent la priorité des priorités". A ce titre, les travaux de l'ANC ne sont d'ailleurs pas finis, une législation électorale devant encore être adoptée.
Par ailleurs, le gouvernement devra faire face à une situation économique très difficile, la croissance restant en berne et le chômage très élevé, notamment en raison de l'incertitude et de l'instabilité dans le pays depuis 2011. Nourries par la misère, des vagues de violences éclatent régulièrement. La Tunisie, berceau du Printemps arabe, a cependant réussi jusqu'à présent à ne pas basculer dans le chaos.