Tunisie: Echec de la formation du gouvernement avant le vote sur la Constitution

L'Assemblée constituante tunisienne, à Tunis, le 25 décembre 2013. - -
Alors que la Tunisie célèbre les trois ans de sa révolution, l'Assemblée constituante du pays est appelée à adopter la Constitution du pays. Ce vote devrait résoudre une profonde crise politique et ouvrir la voie vers des élections. C'est ce qu'a annoncé Mofdi Mseddi, le porte-parole de la présidence de l'Assemblée nationale constituante (ANC), qui a achevé jeudi soir l'examen du projet de loi fondamentale. D'abord annoncé pour samedi, le vote d'adoption se tiendra finalement dimanche, a indiqué vendredi la députée Karima Souid, assesseur du président de la Constituante, chargée de l'Information.
Pour être approuvé, le projet doit obtenir une majorité des deux tiers des 217 élus. Si elle n'est pas atteinte, une deuxième lecture devra être organisée. Si le vote échoue une seconde fois, un référendum devra avoir lieu. L'essentiel de la classe politique veut néanmoins éviter d'avoir à soumettre ce texte aux électeurs afin de pouvoir tenir courant 2014 des législatives et la présidentielle.
"Les bases d'un Etat moderne"
Sur le plan des droits humains, les grandes libertés y sont inscrites, même si des ONG de défense des droits de l'Homme s'inquiètent de dispositions souvent vagues.
Les droits des femmes "sans discrimination" y sont aussi inscrits, ainsi que l'objectif de parité dans les assemblées élues, une disposition exceptionnelle dans le monde arabe.
"C'est une Constitution progressiste, répondant aux espoirs de la révolution (...) jetant les bases d'un Etat moderne", a jugé Mustapha Ben Jaafar, tout en reconnaissant qu'il "peut y avoir des améliorations".
Pendant plus de deux ans, les travaux sur la Constitution n'ont eu de cesse d'être ralentis par une succession de crises politiques, mais aussi par l'absentéisme des députés.
La finalisation de la Constitution tunisienne doit permettre de parachever la sortie de l'impasse politique provoquée fin juillet 2013 par l'assassinat par balles d'un député de gauche, Mohamed Brahmi, un crime attribué à la mouvance jihadiste, dont l'essor déstabilise régulièrement la Tunisie.
Confiance au gouvernement mardi
La Constituante a achevé jeudi soir l'examen article par article du texte à l'issue de trois semaines de débats, de disputes et de controverses sur une kyrielle de sujets: la place de l'islam, les droits des femmes, l'indépendance de la magistrature ou encore les prérogatives du Parlement, du président et du chef du gouvernement.
Samedi en fin de journée, le ministre sortant de l'Industrie Mehdi Jomaâ doit présenter au président Moncef Marzouki un nouveau gouvernement apolitique. Le vote de confiance à l'Assemblée est prévu pour mardi, selon le parti islamiste Ennahda, majoritaire à la Constituante.
Si l'adoption de la Constitution se fait sans accroc, le Premier ministre islamiste sortant Ali Larayedh signera la loi fondamentale en compagnie de Moncef Marzouki et de Mustapha Ben Jaafar.
"Première démocratie arabe"
De son côté, le chef du parti islamiste Rached Ghannouchi a dressé un bilan dithyrambique des travaux de la Constituante, élue en octobre 2011 et qui avait à l'origine un an pour rédiger ce texte. Il a salué dans un communiqué "un acquis historique, parmi les meilleures constitutions au monde". "Il faut être fier de ce qui a été réalisé et traduire cela par des élections mettant fin au provisoire et aboutissant à faire de la Tunisie la première démocratie arabe", a-t-il relevé.
Le texte consacre un régime avec un exécutif bicéphale où le Premier ministre aura le rôle dominant, mais où le chef de l'Etat disposera d'importantes prérogatives en matière de défense et de politique étrangère notamment.
L'islam n'y a pas été consacré comme source de droit, mais les références à la religion sont nombreuses, laissant une place importante à l'interprétation. Ainsi, la Tunisie y est définie comme "un Etat libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion". Si "la liberté de croyance et de conscience" est garantie, l'Etat s'engage aussi à "interdire toute atteinte au sacré".