Après le tollé, la loi tunisienne qui permet à un violeur d'épouser sa victime mineure sera révisée

Des Tunisiennes manifestent le 14 décembre 2016 contre l'article du code pénal 227 bis devant l'Assemblée des représentants du peuple à Tunis - Fethi Belaid-AFP
Les violeurs ne pourront plus épouser leur victime en Tunisie. "Notre pays ne peut pas continuer à se référer à des lois dépassées et qui ne reflètent pas l'esprit des droits et des libertés", a tranché le Premier ministre vendredi. La loi qui permettait ainsi à un homme d'échapper à des poursuites pour des relations sexuelles avec une mineure en épousant sa victime sera amendé.
Cette déclaration fait suite à une affaire qui a fait grand bruit de l'autre côté de la Méditerranée. Mi-décembre, la justice tunisienne a autorisé le mariage d'une adolescente de 13 ans avec un proche de 20 ans l'ayant mise enceinte, provoquant l'indignation d'organisations qui estiment que la fillette a été violée.
"Le mariage avec la victime arrête les poursuites"
Si l'article 227 bis du code pénal tunisien punit de six ans de prison toute personne ayant "fait subir sans violence l'acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de 15 ans accomplis", il précise que "le mariage du coupable avec la victime (...) arrête les poursuites".
"L'application de cette loi est assez rare", a indiqué une membre de l'Association tunisienne des femmes démocrates pour France 24. "Mais cette loi existe et c'est déjà un gros problème (...). Cela fait des années que nous menons une campagne pour réclamer son abrogation".
"Révisez l'article de la honte"
La semaine dernière, des dizaines de personnes se sont rassemblées devant le Parlement tunisien pour réclamer la révision ce cette loi. "À bas l'article 227 bis", "Loi rétrograde", "Révisez l'article de la honte", ont scandé les protestataires.
"Cette loi doit être révisée! C'est honteux pour la Tunisie de laisser un article aussi rétrograde et injuste qui permet le viol des enfants et je dis bien viol parce que il ne faut pas parler de consentement quant il s'agit des enfants", a déclaré une manifestante.
D'autres ont brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: "Il l'a violée une fois, la loi lui a permis de la violer chaque nuit", ou encore "La perpétuité pour le viol d'une mineure et pas le mariage". Peu après cette manifestation, le porte-parole du parquet de Kef, qui ne s'était pas opposé à cette union en première instance estimant que l'enfant était prête, a précisé que le procureur général du tribunal s'était constitué partie civile et réclamait l'annulation de cette décision. Une annonce saluée par un avocat, qui attend un "changement des mentalités".
C'est également le point de vue du ministère de la Femme, de la famille et de l'enfance, qui espère "rendre nulle l'autorisation judiciaire et invalider le contrat du mariage afin de préserver l'intérêt supérieur de la fille".
"C'est de ta faute, marie-toi avec ton violeur"
Au mois d'octobre, une affaire similaire avait également ému en Tunisie. Un présentateur de télévision avait conseillé à une jeune fille violée de demander pardon et d'épouser son agresseur. "C'est de ta faute, marie-toi avec ton violeur", lui avait-il lancé.
"Tu es fautive parce que tu as eu peur. Fautive parce que tu n'as pas su te défendre. Fautive parce que tu n'as dit qu'à la fin".
Au Liban, une telle tolérance à l'égard des violeurs est également prévue par la loi. Mais sous la pression d'associations et la mobilisation des internautes, une commission parlementaire a déclaré envisager de l'abroger.