Bordeaux: une chorégraphe américano-palestinienne rend hommage aux personnes confrontées à la guerre

Le spectacle de Samar Haddad King à Bordeaux. - Festival International des arts de Bordeaux
"Sans espoir, il n'y a plus rien." Avec "Gathering", spectacle pluridisciplinaire présenté à Bordeaux (Gironde), jusqu'à ce samedi 11 octobre, la chorégraphe américano-palestinienne Samar Haddad King met en scène la "résilience" des personnes confrontées aux horreurs de la guerre.
Avec une montagne d'oranges et une échelle métallique pour simples accessoires, 13 danseurs content les fragments de vie d'une femme palestinienne dans un village - fictif - assiégé le jour de son mariage, sans que jamais "l'envahisseur" ne soit nommé.
"C'est un hommage à la résilience des personnes confrontées à la guerre, qui continuent à trouver de l'eau, de la nourriture, à chercher un asile", explique à l'AFP Samar Haddad King, 42 ans, née en Alabama (États-Unis) d'une mère réfugiée.
Première représentation en France
Son spectacle, créé à New York en 2024, est joué pour la première fois en France dans le cadre de la 10e édition du Festival international des arts de Bordeaux Métropole.
Sur scène, aux fêtes et récoltes succèdent la séparation, le deuil et la violence, dans un mélange de dabké (danse traditionnelle levantine), de cirque et de hip-hop.
Entre guerre et paix, les corps vibrent, se portent, s'élancent dans le vide, s'entrelacent dans une énergie collective sur des compositions personnelles de Samar Haddad King et les "Quatre Saisons" de Vivaldi, revisitées par le musicien germano-britannique Max Richter.
"Peut-être que je fais de l'art pour me rappeler qu'il y a de l'espoir", explique la chorégraphe, au bord des larmes lorsqu'on évoque Gaza. "La situation est horrible...", souffle-t-elle, prudente au sujet de l'accord annoncé jeudi entre Israël et le Hamas. "Ce n'est pas clair", selon elle.
Un spectacle participatif
L'artiste avait imaginé le spectacle en 2018 comme une "porte sur la culture palestinienne", "chaleureuse" et "festive", où la nourriture sert de mot d'accueil. Le public est invité à rejoindre les danseurs sur la scène et à manipuler les oranges qui s'éparpillent sur le sol - quand elles ne tombent pas du ciel.
"C'est l'un des rares fruits que l'on peut diviser sans couteau", souligne Samar Haddad King, qui travaille entre New York et les territoires palestiniens occupés.
"C'est aussi la représentation d'une communauté et un symbole de subsistance pour de nombreux Palestiniens car avant 1948, beaucoup de nos familles récoltaient les oranges, avant que cette culture ne disparaisse quand elles ont dû fuir, à l'instar de la mienne", poursuit celle qui a aussi vécu en Israël et s'est installée récemment à Marseille, "là où le ciel est le plus proche de celui de la Palestine".
Pour la tournée française de "Gathering", six artistes - palestiniens, marocains et français - basés en Europe ont rejoint sept membres de la compagnie de Samar Haddad King originaires, eux, du Japon, de Taïwan, de Turquie, du Danemark et des États-Unis. La chorégraphe avoue être passée "maître des visas", ces vingt dernières années, pour réunir sa "caravane" de danseurs.
Pour Samaa Wakim, sa principale interprète également chorégraphe reconnue, "l'énergie de groupe" du spectacle lui apporte ce qui lui "manque tant en tant que Palestinienne": "être entourée de gens qui partagent les mêmes émotions, les mêmes dilemmes" face aux événements du Proche-Orient, afin de "ne pas perdre son humanité".
"Nous vivons un film d'horreur mais ce qui nous empêche de devenir fous, c'est d'être ensemble", estime celle qui a grandi en zone de guerre près de la frontière avec le Liban. "Les beaux moments partagés nous font croire que oui, la vie vaut la peine d'être vécue, et que ce n'est pas une cause perdue."