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"Ne pas se précipiter à reboiser": comment la nature se reconstruit après un incendie?

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L'incendie qui ravage le massif des Corbières dans l'Aude depuis ce mardi 5 août a parcouru 17.000 hectares, brulant pinède et végétation. Le reboisement de ces espaces naturels prendra des années. Des forestiers évoquent les différentes stratégies offertes aux propriétaires.

17.000 hectares parcourus dont plus de 13.000 hectares de végétation partis en fumée. Le plus gros incendie du 21e siècle en France laisse pinède et végétation calcinés dans le massif des Corbières. Le feu qui s'est déclaré le mardi 5 août dans le village de Ribaute et qui a fait au moins un mort, trois disparus et une douzaine de blessés a causé de lourds dégâts. Tous ne sont pas irréparables.

La vigne d'abord, qui pèse lourd dans l'économie locale, devrait bénéficier "d'un plan de sauvegarde et d'avenir", a évoqué le Premier ministre François Bayrou auprès des producteurs sinistrés et des élus locaux ce mercredi 6 août. Christian Pouget, le préfet a chiffré à "800 à 900 hectares" le vignoble perdu. Le feu a principalement touché des forêts de pins situées dans des parcelles privées.

Une fois le feu définitivement éteint et l'accès à la zone rendu possible, les propriétaires pourront constater l'étendue des sinistres et feront des déclarations auprès de leurs mairies et assurances. S'ensuit alors une phase de nettoyage voire de vente du bois qui n'a pas été totalement détruit.

"Regarder dans deux ou trois ans ce qui a repris"

Les techniciens du Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) d'Occitanie, l'établissement public chargé d'aider les propriétaires privés de forêts vont ainsi pouvoir proposer leur aide. Son directeur, Olivier Picard explique à BFMTV qu'il convient d'observer une période plus ou moins longue d'attente.

"Rien ne sert de se précipiter à reboiser parce que la nature a horreur du vide", indique-t-il. "Il devrait y avoir de la régénération naturelle avec des graines restées en terre, la végétation va recoloniser. Ainsi, on pourra regarder dans deux ou trois ans ce qui a bien repris pour décider de ce que l'on va éventuellement ajouter".

Les forêts des Corbières situées dans les zones basses sont constituées de nombreux pins d'Alep, une espèce endémique que l'on retrouve sur le pourtour méditerranéen. Elle a pu se développer dans des parcelles longtemps dévolues à l'agriculture qui se sont reboisées naturellement avec l'exode rural et l'arrêt de leur entretien.

Une replantation coûteuse

Le directeur du CNPF d'Occitanie prône la prudence aux propriétaires qui seraient tentés de replanter immédiatement. "Les terrains localement sont pentus, difficiles d'accès et sujets à la sécheresse et au vent. Il faut utiliser des engins de chantier avec des godets pour rendre la terre meuble à l'automne et regarnir le terrain en plantant de jeunes arbres. Or, ça ne fonctionne pas toujours au premier coup et vous devez répéter l'opération plusieurs années, tout cela à un coût", résume-t-il.

Dans la plupart des cas, les propriétaires n'exploitent pas leurs forêts et les laissent se développer sans intervenir. Ceux qui pratiquent en revanche l'agroforesterie ont tout intérêt à soigner leurs terres. "On leur suggérera de planter de nouvelles essences en complément pour se prémunir des maladies et des ravageurs mais aussi du changement climatique: le chêne pubescent, le chêne vert peut être même le chêne-liège, le pin pignon ou le pin parasol", cite le directeur.

Une crainte de la répétition

Cette vision est partagée par l'autre établissement public chargé celui-là, des forêts publiques, l'Office national des forêts. Dans la revue Rendez-vous Techniques de l'ONF publiée ce 4 août, trois chercheurs émettent des craintes quant à l'intensification et la fréquence des feux sur la "régénération naturelle" en débarrassant le sol des couverts végétaux naturels et favorisant ainsi son érosion.

"Les milieux forestiers seront plus dégradés, et leur reconstitution sera limitée par la courte durée entre deux feux. Cela aura pour effet direct d’augmenter les périodes pendant lesquels les sols seront sensibles à l’érosion", note l'article.

Cet été, fin juin, les Corbières avaient déjà été victimes d'un incendie qui avait détruit 400 hectares.

Florent Bascoul