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Sally Rooney, David Foenkinos, Raphaël Quenard... Ces auteurs à emporter dans sa valise cet été

Des exemplaires d'"Intermezzo", le dernier livre de l'écrivaine irlandaise Sally Rooney, vendus dans une librairie de Londres le 24 septembre 2024

Des exemplaires d'"Intermezzo", le dernier livre de l'écrivaine irlandaise Sally Rooney, vendus dans une librairie de Londres le 24 septembre 2024 - BEN STANSALL

Alors que le soleil est à son zénith, le service culture de BFMTV.com a concocté sa sélection (totalement subjective) des meilleurs livres sortis ces derniers mois à déguster sur la plage (ou ailleurs) cet été.

Rien de tel qu'un bon livre pour se prélasser sur la plage. En ce mois de juillet ensoleillé, les journalistes culture de BFMTV.com vous livrent leurs coups de cœur de l'année - à défaut de bronzer sur un transat. Essai sur les beaufs, premier roman d'un certain Raphaël Quenard, récit sur une fratrie en mal d'amour ou roman d'aventure... il y en a pour tous les goûts.

Quel Quenard?

Clamser à Tataouine, Raphaël Quenard (Flammarion, mai 2025)

Sa silhouette dégingandée s'affiche partout, au cinéma, sur nos plateaux télé, sur les publicités glacées des magazines. Dans nos librairies désormais. On s'en lasse un peu, mais on ouvre quand même son premier roman. Peut-être pour savoir ce qui se cache dans l'esprit de Monsieur Quenard, comprendre comment ses mots (à peine farfelus) s'alignent et sortent de sa bouche. Comment il pense aussi ? Savoir peut-être aussi de quoi est vraiment capable ce beau parleur.

En parcourant son roman, on comprend vite que le comédien écrit comme il parle. Pas déplaisant. Il imagine ici une histoire sordide d'un serial killer pas finaud qui décide d'abattre des femmes (des féminicides donc), représentantes de chaque classe sociale, avant de se donner la mort. Impolitiquement correct, pas vraiment utile avec une patte souvent grossière, ce livre offre néanmoins la sensation de toucher au phénomène du moment (notre quête initiale donc). Sorti le 13 mai, il caracole quand même sur le podium des meilleures ventes. E.A.

Journal intime

Intérieur Nuit, Nicolas Demorand (Les Arènes, mars 2025)

Sur France Inter, sa voix est chaleureuse, presque familière. L'homme, lui, reste discret. Jusqu'à sa récente déflagration. "Je suis un malade mental", dévoile Nicolas Demorand aux auditeurs, un mercredi de mars. C'est également ainsi qu'il se présente aux lecteurs d'Intérieur Nuit. Chronique d'une bipolarité de type 2, l'ouvrage détaille l'errance médicale du journaliste - vingt ans de tâtonnements, jalonnés de rencontres avec des spécialistes, fulgurances intellectuelles, journées à user son canapé, coups de foudre amoureux, cachets inutiles. Et parfois, l'envie d'en finir.

L'auteur livre un témoignage brut, bouleversant et toujours pudique, sur cette maladie dont il connaît les moindres contours et qui continue pourtant de le surprendre. On en pleure et on en rit (oui oui), tant les situations côtoient parfois l'absurde - comme l'obsession de l'auteur pour les sweatshirts, les bonnets, les clous et les perceuses qui remplissent son appartement. On a le cœur serré aussi, quand l'homme de radio se surprend à défaillir, en pleine conférence de rédaction.

Droit au but et haletant, les 105 pages se lisent d'une traite, avec l'impression d'entendre la voix du matinalier, au fil des pages. D'utilité publique, le livre charrie, avec lui, la libération de la parole sur les maladies mentales en France. Une reconnaissance bienvenue, pour celui qui écrit "en pensant à toutes celles et ceux, des centaines de milliers, peut-être des millions, qui souffrent en silence du même mal." S.H.

Portrait(s) de famille

Mon vrai nom est Elisabeth, Adèle Yon (Éditions du sous-sol, février 2025)

Découper un porc requiert de la précision. Le couteau s’insère dans la couenne, suit l’os. La carcasse se détache. Les muscles se déchirent sous la lame. À force, le geste est devenu routinier pour Adèle Yon, romancière, chercheuse et cuisinière donc. À mesure que la lame entame la chair, elle imagine, sous son couteau, la lobotomie subie par son arrière-grand-mère “Betsy” en 1950. Cette scène centrale de Mon vrai nom est Elisabeth tient en quelques mots la froideur chirurgicale, l’animalisation des patientes lobotomisées et les violences psychiatriques vécues par son aïeule, pendant ses dix-sept ans d’internement.

À la faveur d’une déception amoureuse et d’une thèse de doctorat sur le double féminin fantôme, Adèle Yon remonte le fil de son ancêtre, qui hante les femmes de la famille - Elisabeth, figure brillante et libre dont la rébellion est assimilée à de la “schizophrénie”, et victime des légendes familiales qui l’infantilisent et la déshumanisent. Ovni littéraire - à la croisée de l’enquête, l’essai et du récit de soi - l’ouvrage livre une réflexion puissante sur la transmission des normes familiales - celles qui exercent un contrôle social sur toutes les femmes de la lignée - et sur le patriarcat qui régit les rapports hétérosexuels de l’époque (et d’aujourd’hui). La lecture frappe par sa clarté. Et révolte. S.H.

Amour et divination

Tout le monde aime Clara, David Foenkinos (Gallimard)

Il y avait Clara et les chics types. Il y a désormais l'héroïne du 25e roman de David Foenkinos, adolescente de 17 ans pleine de vie qui, de retour d'un concert, frôle la mort. Après un long coma, elle se découvre des dons de voyance jusqu’alors inconnus. Et devient le point d’ancrage autour duquel gravitent plusieurs protagonistes. À commencer par ses parents, Marie et Alexis. Divorcé, ce couple à la dérive se redécouvre, confronté à leur douleur partagée et aux vestiges d’un amour passé.

Et puis, il y a Éric Ruprez, écrivain acariâtre, auteur d’un unique roman (lequel est d’ailleurs désormais introuvable en librairie) qui donne des cours d’écriture à Alexis, le père de Clara. À mesure que le destin de la jeune fille se précise, elle va rallumer indirectement chez l’auteur une flamme qu’il croyait éteinte.

Avec ces trois récits entremêlés, le roman avance par à-coups. L’intrigue semble s’éparpiller, au risque de perdre le lecteur. Mais dans la dernière partie, tout s’éclaire et les pièces du puzzle s’assemblent. On ressort alors un peu désorienté, mais ému par la plume de Foenkinos qui signe ici une fable sur le destin, la spiritualité, l’amour, le temps qui passe et les connexions invisibles entre les êtres. C.L.

La cote des beaufs

Ascendant beauf, Rose Lamy (Seuil, avril 2025)

On en connaît tous un - ce tonton aux vannes sexistes, ce voisin, sosie de Jeff Tuche, qui trinque en disant “Santé, mais pas des pieds”... Un spécimen que d’aucuns qualifieraient de beauf. “Beaufe” parmi les beaufs, Rose Lamy (@preparez_vous_pour_la_bagarre sur Instagram) dresse un portrait-robot de cette figure que l’on ne regarde que de haut, avec une certaine condescendance. L’essai, écrit à la première personne, mêle des confessions tendres - la nostalgie de Joe Dassin, son premier amour Billy - et des humiliations de jeunesse sans l’amertume de la revanche tout en y ancrant des réflexions sociologiques sur le classisme qui imprègne la société.

Si elle publie cet ouvrage pour “venger (sa) race” pour reprendre les mots d’Annie Ernaux, elle se distingue de cette dernière en disant écrire du côté des dominés - bien qu’elle puisse vivre de sa plume. Et l’écueil se loge peut-être dans cette opposition simpliste entre les transfuges de classe - ceux qui ont quitté leur milieu d’origine sans billet retour -, et les autres qui y restent ou y reviennent. On regrettera aussi la définition réductrice du beauf - se cantonnant à la classe populaire et aux électeurs de droite. La lecture en reste néanmoins agréable sinon utile, en ce qu'elle a le mérite de questionner les mécanismes à l’origine du mépris de classe. S.H.

Attention fragiles

Intermezzo, Sally Rooney (Gallimard, septembre 2024)

Deux frères, a priori pas très proches, plutôt tortueux, viennent d'enterrer leur père. L’un, Peter, un Don Juan dépressif de plus de trente ans, multiplie les conquêtes et les déceptions amoureuses, quand l’autre, Ivan, grand sec timoré de 22 ans, s’est engouffré dans les parties d’échecs à défaut d'amour. Les deux mènent leur barque plus ou moins difficilement - selon les saisons - dans les contrées irlandaises. Errent souvent, sombrent parfois, osent la tendresse, trouvent ou se trouvent auprès des géniales Margaret, Naomi et Sylvia.

L'écriture tranquille, empathique et si précise de Sally Rooney (lit-elle dans nos pensées franchement?) raconte les temps modernes, la masculinité tiraillée, la jeunesse (entre 20 et 35 ans), les relations amoureuses impossibles, jamais suffisamment dans la norme. Dépourvus de guillemets, les dialogues s’entremêlent sans cesse aux pensées de nos personnages. Les deux fragiles touchent, et ouvrent une lumière vivace. Nécessaire et jamais naïve. E.A.

Indignez-vous !

Résister, Salomé Saqué (Payot, octobre 2024)

Manuel de survie en cas de discussions houleuses. Livre de poche documenté et clair sur l’extrême-droite. Manifeste qui oppose le défaitisme à l’action. Résister de Salomé Saqué est un peu tout cela à la fois. La très médiatique journaliste de Blast décortique la banalisation de l’extrême-droite - des menaces de mort brandies contre les journalistes et membres de la société civile jusqu’aux mots employés dans les médias (“ensauvagement”, “wokisme”, “islamogauchisme”) - et retrace l’histoire de ce parti, dont les origines remontent au régime de Vichy.

En dressant des parallèles entre l’expansion du RN et celle des extrêmes-droites européennes - avec lesquelles le parti est allié au Parlement - l’essayiste pointe les conséquences potentielles d’une montée du RN au pouvoir. Plus qu’un exposé linéaire, le texte est une invitation à l’indignation - pour reprendre les mots de Stéphane Hessel - et une exhortation à sortir de l’indifférence. Et c’est peut-être en cela que l’essai est revigorant. S.H.

Déchargée de famille

La Faille, Blandine Rinkel (Stock, janvier 2025)

Et si l'on repensait la place de la famille dans nos inconscients? Dans nos imaginaires, nos discussions, nos vies pures et dures. Et si, osons la question, ce sanctuaire inamovible (un mythe?) n'était pas l'une des sources de nos pires traumatismes? Toujours, la romancière s'est sentie à côté de sa famille, "désaxée", ou comme emprisonnée. Ne parle-t-on pas de "cellule" familiale? Blandine Rinkel a choisi la fuite, la rupture. L'exil aussi. Et d'autres liens et lieux pour s'établir, voguer.

Dans un riche essai, son sixième livre déjà (!), celle qui est aussi journaliste, chanteuse (au sein du groupe Catastrophe) et danseuse entremêle récit à la première personne, opinions, argumentations, citations, analyses de films et slogans politiques. Et convainc. Elle ne condamne pas, elle imagine plutôt d'autres possibles. Seul bémol, son écriture trop sophistiquée, manquant en tout cas d'un souffle naturel. E.A.

Naufrages et autres complications

Les Naufragés du Wager, David Grann (Points, janvier 2025)

1740, le Wager un navire de la flotte britannique envoyé au bout du monde piller un vaisseau espagnol fait naufrage après avoir passé le Cap Horn. Non sans avoir perdu une bonne partie de l'équipage, mort du scorbut dans d'atroces souffrances. Mais les quelques survivants ne sont pas au bout de leurs peines. Naufragés sur une petite île très hostile de patagonie, ils vont connaître la faim, le cannibalisme, les mutineries. Mais ce n'est pas là le bout de l'aventure pour ces malheureux, qui vont devoir affronter bien d'autres avanies.

Un récit hallucinant, tiré d'une histoire vraie, mené par le journaliste américain, David Grann, déjà auteur de La Note américaine, portée à l'écran par Martin Scorsese sous le titre de Killers of the flower moon. et de La Cité perdue de Z, également adaptée au cinéma. M.R

Le bonheur est sur le marché

On n’a que du beau - Le marché, ingrédient d’une société heureuse, Olivier Razemon (Ecosociété, mai 2025)

Il y en a des chics, des populaires, des urbains et des ruraux. Les marchés font partie de nos vies, depuis toujours nous semble-t-il, et sont un véritable point de repère géographique et temporel pour nombre d'entre nous.

Le pied de porc et la botte de carottes y côtoient le hareng frais et le politique en campagne. Car le marché est bien plus qu'un lieu où l’on fait ses courses. C’est une agora, où l’on échange des banalités avec le maraîcher, des amabilités avec ses voisins, et des grandes théories avec les militants qui tractent.

Tout cela et bien plus encore, c’est ce que raconte le journaliste Olivier Razemon dans On n'a que du beau. Il dresse un portrait des marchés en France, leur histoire, leur rôle, leur utilité. Et pourquoi ces lieux à préserver à tout prix sont un "ingrédient pour rebâtir une société bienveillante". À lire avant d’aller explorer le marché local de son lieu de vacances. M.R.

Estelle Aubin, Sophie Hienard, Carla Loridan et Magali Rangin