Rémi Fraisse: "Il est décédé, le mec. Là, c'est vachement grave…"

Un hommage à Rémi Fraisse - Kenzo Tribouillard - AFP
Que s'est-il passé lors de l'intervention des CRS, à proximité du barrage de Sivens dans Tarn, qui a coûté la vie au jeune Rémi Fraisse, 21 ans, tué par une grenade offensive? Selon des informations publiées mercredi par Le Monde, les forces de l'ordre sur place au moment de la mort du jeune homme auraient immédiatement eu conscience de la gravité de la situation, même au milieu des affrontements.
Le quotidien, qui a consulté un procès-verbal du 29 octobre, soit trois jours après les faits, détaille une partie des échanges entre les gendarmes. Ces conversations ont été enregistrées par la caméra de l'un des CRS sur place, qui filmait également les affrontements.
"C'est bon, il va se relever..."
Dans la nuit du 25 au 26 octobre, peu avant 2h du matin, un militaire envoie une grenade offensive sur un groupe d'opposants. Un autre distingue, grâce à des lunettes à vision nocturne, un homme tomber. Quelques minutes plus tard, l'ordre est donné de stopper les jets. "Il est là-bas le mec. OK, pour l'instant, on le laisse", dit aussi le chef. "C'est bon, il va se relever", rassure un autre. Le manifestant au sol est Rémi Fraisse, et il ne se relèvera pas.
Entre le moment où les militaires s'aperçoivent que Rémi Fraisse est au sol et leur intervention pour l'extraire des affrontements, sept minutes s'écoulent.
Trois minutes plus tard: "Il est décédé, le mec! Là, c'est vachement grave… Faut pas qu'ils le sachent!", dit l'un des gendarmes enregistrés, qui veut éviter que le mot ne passe parmi les manifestants, selon la version livrée par la gendarmerie.
Cazeneuve se défend à l'Assemblée
Le 29 octobre, date du procès-verbal, le directeur général de la gendarmerie Denis Favier avait, sur BFMTV, exprimé sa "compassion" pour la famille de Rémi Fraisse, apporté "son soutien" à ses troupes et assuré "qu'il n'y a(vait) pas de faute intentionnelle, volontaire et qu'il il n'(était) donc pas envisageable de suspendre quelqu'un". Du moins avant la fin de l'enquête.
Après avoir été long à réagir à la mort du jeune Rémi Fraisse, puis de suspendre l'utilisation de grenades offensives, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a été interrogé au sujet de ses révélations, mercredi à l'issue du Conseil des ministres... avant de botter en touche, assurant ne pas avoir encore lu Le Monde.
Dans l'après-midi, à l'Assemblée nationale, il s'est finalement défendu face à l'écologiste François de Rugy: "comment comprendre les déclarations successives du ministre de l’Intérieur qui a prétendu pendant 48h ignorer les circonstances de ce drame?", a interpellé le coprésident du groupe EELV à l'Assemblée. "Est-ce qu'il y a eu des consignes données de ma part pour qu'il y ait fermeté? Non", a répondu Bernard Cazeneuve. "J'ai donné des instructions contraires, parce que j'avais conscience depuis des semaines du climat d'extrême tension à Sivens, et j'étais désireux de faire en sorte que celui-ci ne conduise pas à un drame." "Une seule consigne a été donnée aux agents sous ma responsabilité: dire toute la vérité à la justice (...)", a enfin rappelé le ministre de l'Intérieur.
Lors de son point presse hebdomadaire, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a promis mercredi midi "une transparence totale", rappelant que "la justice a été saisie dès le dimanche matin". "Ce qui est dit dans Le Monde doit être lié à l'enquête qui est en cours, que moi je n'ai pas, mais j'ai bien compris que (...) il y avait un certains nombre d'informations. C'est bien la preuve qu'il y a une enquête qui est en cours, qu'elle se poursuit et qu'elle se poursuivra et que la transparence sera faite", a-t-il conclu.