Religieuses abusées sexuellement: la Conférence des religieux reconnaît un "tabou"

Une religieuse le 7 mai 2018 au Mont-Saint-Michel (photo d'illustration). - CHARLY TRIBALLEAU / AFP
La présidente de la Conférence des religieux et religieuses en France (Corref), Véronique Margron, a reconnu ce mardi comme un "tabou" au sein de congrégations catholiques l'existence de cas d'abus sexuels, souvent anciens, commis sur des soeurs par des frères ou des prêtres.
La soeur Margron a évoqué un "état de sidération" après la publication mardi dans Le Parisien d'une enquête intitulée "le dernier tabou de l'Eglise" et donnant la parole à deux anciennes religieuses qui expliquent avoir été victimes, adultes, d'abus sexuels commis par des prêtres.
L'une d'elles a porté plainte à l'automne contre un religieux pour viol et agressions sexuelles commises en 2010-2011 dans le sud de la France, alors qu'elle était encore dans les ordres. Elle a décidé d'alerter le procureur de la République en 2017 après avoir appris que celui qu'elle accuse de viol, frère Jean, avait été promu alors même qu'elle avait signalé ses agissements à sa hiérarchie.
Du "voeu d'obéissance" à "des situations d'esclavage"
Alors que la parole s'est largement libérée concernant des agressions et viols commis par des clercs sur des mineurs, notamment depuis que des scandales de pédophilie ont éclaté à partir de 2015, la dénonciation d'abus sexuels sur des religieuses relève d'un tabou, a indiqué la présidente de la Corref, qui rassemble les 30.000 moines et moniales, frères et soeurs présents en France.
"Ce tabou-là est sans doute encore plus profond parce qu'il touche encore plus à l'intime de la vie religieuse, à l'intime des communautés", a estimé la soeur Margron.
Un "énorme scandale"
Ces abus sexuels sur des soeurs, difficiles à dénombrer, sont souvent liés à des abus spirituels, variante religieuse de l'emprise psychologique qui a fait l'objet de plusieurs témoignages ces derniers mois.
"Les instituts religieux (congrégations, NDLR) sont fondés sur les voeux, donc il faut arriver à démêler ça avec beaucoup de précaution: qu'est-ce qui relève vraiment du voeu d'obéissance, qui est magnifique, et qu'est-ce qui introduit l'autre dans une situation d'esclavage qui n'a plus rien à voir avec la liberté?", s'est interrogée la responsable.
D'après François Devaux, le président de l'association La Parole libérée, spécialisée dans l'aide aux victimes d'abus sexuels perpétrés par le clergé, il y a là un potentiel "énorme scandale".
"C’est une évidence que le phénomène est d’une ampleur bien plus grande. Si les sœurs libèrent totalement la parole, ça peut être un énorme scandale!", explique-t-il dans Le Parisien.
"La transparence n'a pas été le critère d'action"
Pour la soeur Margron, "prendre la parole est une nécessité, autant que les victimes peuvent et souhaitent le faire" mais "cela impose à nos institutions d'être capables d'entendre". La Corref a organisé lundi une "journée de sensibilisation" sur les abus sexuels sur des mineurs, avec le témoignage de trois victimes devant les responsables de 120 des quelque 300 instituts que compte la conférence.