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Lourdes: qui sont les médecins qui valident les guérisons miraculeuses de l'église

Soeur Bernadette Moriau.

Soeur Bernadette Moriau. - Denis Charlet / AFP

Derrière chaque cas de guérison miraculeuse après une visite à Lourdes, il y a un comité de médecins qui se réunit pour un processus de vérification.

C’est le 70e miracle de Lourdes. La sœur Bernadette Moriau, 79 ans, est venue raconter mardi son histoire devant les micros. Celle d’une religieuse atteinte d’une grave invalidité, le "syndrome de la queue de cheval", qui l’empêchait presque de marcher. A l’été 2008, elle se rend à Lourdes. Quelques semaines plus tard, elle revient dans sa communauté de l’Oise. "J’étais devant le saint-sacrement et j’ai senti un bien-être, une détente de tout mon corps. (…) Une chaleur m’a traversée mais je ne savais pas ce que c’était". De retour dans sa chambre, elle entend une voix lui dire "Enlève tes appareils". Elle s’exécute: "A ma grande surprise, quand j’ai enlevé le corset et mon attelle, mon pied était redressé. Je pouvais bouger et je n’avais pas mal".

Derrière cette histoire, il y a le parcours de 10 ans d’un dossier médical épluché sous toutes ses coutures. Celui-ci débute au Bureau des constations Médicales (BCM). Son président, s’il n’a pu identifier seul l’origine d’une guérison, convoque une réunion "à laquelle peuvent participer tous les médecins et les soignants présents à Lourdes, quelques soient leurs convictions religieuses", indique le site du sanctuaire. Si le doute n’est pas levé, le dossier transite alors jusqu’au Comité médical international de Lourdes (CMIL).

"Le miracle, c’est une question de foi. Nous on est dans une expertise médicale"

Ce comité est constitué d’une trentaine de médecins du monde entier et de spécialités variées (psychiatres, cancérologues, neurologues…). Ils se réunissent une fois par an et votent à bulletin secret. S’ils arrivent à la conclusion que la guérison est soudaine et inexpliquée, il revient alors à l’évêque de Tarbes de prévenir l’évêque du diocèse du patient concerné. Mais les membres du CMIL croient-elle aux miracles, au sens religieux du terme? "Pas forcément, on n’est pas obligé, assure le gérontologue et membre du CMIL Alain Franco. Le miracle, c’est une question de foi. Nous on est dans une expertise médicale".

Il était présent le 18 novembre 2016 à Lourdes, quand le dossier de Bernadette Moriau est arrivé jusqu’à lui. Et ce n’était pas sa première fois, puisqu’il siège dans le comité depuis une vingtaine d’années.

"En toute modestie, il n’y a que de grands professeurs là-dedans, des gens solides. Quand on a besoin d’un cancérologue, on va en chercher un. Par cooptation, on prend des gens très qualifiés. C’est comme dans n’importe quelle société savante. Ce ne sont pas des critères de foi. On ne demande pas forcément aux membres du CMIL d’être catholiques. Je pense qu’ils le sont tous d’ailleurs, mais ça ne fait pas partie des critères".

"La foi n'obscurcit pas le jugement médical"

"Je suis chrétien, mais je n’ai pas donné mon certificat de baptême et de confirmation pour en faire partie", s’amuse le docteur Olivier Jonquet, médecin réanimateur et professeur à la faculté de médecine de Montpellier. Membre du CMIL depuis trois ans, le cas de Bernadette Moriau est sa première guérison inexpliquée.

"Ce qui est important c’est d’avoir du bon sens et d’être prudent. Pour qu’on ne puisse pas dire un jour ‘vous aviez parlé de guérison et le malade a rechuté’. C’est aussi une expérience spirituelle de se retrouver avec des gens qui ont une crédibilité d’un point de vue médical, mais qui ont aussi une foi qui les anime. Et elle n’obscurcit pas leur jugement médical. La foi n’est pas contraire à la raison. Au contraire".

"A Lourdes, la science et la foi ne s’opposent pas. Elles travaillent dans un mutuel respect à la recherche de la vérité", promet d’ailleurs le docteur Alessandro de Franciscis, président du BCM, qui fait remarquer que "sur 7400 dossiers de guérisons étudiés et discutés, "70 cas ont été reconnus officiellement par l’Eglise". "On n’est pas dans le même monde, reprend Alain Franco. Au risque de vous décevoir, nous on reste très technique. On voit des dossiers, quelque fois médicalement passionnants, et pour lesquels on réfléchit longtemps. On reste très accroché aux données actuelles de la science".

Aujourd’hui, "très peu de dossiers passent la rampe de l’inexpliqué", ajoute Alain Franco. D’abord parce que les progrès médicaux permettent d’expliquer des cas qui seraient restés des énigmes quelques années plus tôt. Ensuite parce que l’Eglise ne transforme pas automatiquement une "guérison inexpliquée" en miracle. Bernardette Moriau a malgré tout franchit toutes les étapes, mais comme elle le disait mardi: "Je ne suis pas une star, je reste une petite soeur".

Antoine Maes