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Le pape accusé d'avoir couvert les abus d'un cardinal américain: le scandale de trop?

Le pape François le 26 août 2018 lors de sa visite en Irlande.

Le pape François le 26 août 2018 lors de sa visite en Irlande. - Handout / WMOF2018/MAXWELL / AFP

Le souverain pontife est accusé par un prélat conservateur d'avoir annulé les sanctions prises par Benoit XVI contre un cardinal américain soupçonné d'abus sexuels. Mis en cause dans plusieurs scandales à différents degrés, le pape est ici accusé directement d'avoir couvert le cardinal.

En juillet dernier, la hiérarchie de l'Eglise catholique américaine a été ébranlée par un énième scandale de pédophilie. S'il s'inscrit dans une longue liste, il pourrait cependant faire date, car il implique désormais directement le pape et divise le Vatican, entre conservateurs et partisans du progressisme affiché par François.

En plein été, le cardinal américain Theodore McCarrick, 88 ans, a été interdit d'exercer son ministère après avoir été accusé d'abus sexuels par un adolescent, puis par un homme qui s'est dit victime dès l'âge de 11 ans et pendant deux décennies. 

Fait rarissime, le pape a accepté sa démission et le vieillard a été forcé de rester reclus dans une maison pour mener une vie de prière et de repentance. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais dimanche 26 août, en pleine visite du souverain pontife en Irlande, déjà marquée par les récents scandales qui ont éclaté, le pape François a été violemment mis en cause.

"La culture du secret"

Dans une lettre de 11 pages publiée par le site américain National Catholic Register, un ex-ambassadeur du Vatican à Washington, l'archevêque conservateur Carlo Maria Vigano, affirme que le sommet de l'Eglise a eu connaissance des agissements de McCarrick dès les années 2000. Le pape François, appelé à démissionner, est accusé d'avoir sciemment ignoré durant son pontificat tous les signalements sur les agissements du cardinal américain, présenté comme un prédateur sexuel notoire jetant son dévolu sur des jeunes séminaristes et prêtres.

Dans le détail, Vigano affirme que François a été au courant des agissements de McCarrick au plus tard en juin 2013, trois mois après son élection, et qu'il aurait décidé d'annuler une sanction prise par Benoît XVI à son encontre. Il avance que le pape Benoît XVI avait fini par sanctionner tardivement Theodore McCarrick, vers 2009-2010, en lui interdisant notamment toute apparition publique et en lui demandant de quitter le séminaire où il vivait. Aucun document public ne fait toutefois état de cette sanction.

"La corruption a atteint le sommet de la hiérarchie de l'Eglise", affirme Mgr Vigano en égrenant une longue liste de noms au sommet du Vatican. Le brûlot dénonce non seulement "la culture du secret" dans l'Eglise mais aussi "le courant homosexuel" qui prévaudrait dans les plus hautes instances du Vatican.

Un complot conservateur?

"Saint-Père, je ne sais pas si vous connaissez le cardinal McCarrick, mais si vous demandez à la Congrégation pour les évêques, il y a un dossier grand comme ça sur lui. Il a corrompu des générations de séminaristes et de prêtres et le pape Benoît lui a imposé de se retirer (pour se consacrer) à une vie de prière et de pénitence", aurait répondu Mgr Vigano au pape, qui l'interrogeait selon lui après sa prise de fonction, en 2013.

"Les réseaux homosexuels présents dans l'Eglise doivent être éradiqués" car "ils étranglent des victimes innocentes et des vocations sacerdotales", écrit Mgr Vigano, en se faisant l'écho des catholiques ultra-conservateurs qui mettent sur un même plan homosexualité et pédophilie et voient le pape comme un dangereux progressiste.

Malgré un appel à la miséricorde pour les LGBT, le pape est pourtant resté en ligne parfaite avec le dogme de l'Eglise sur les questions de sexualité. Dans l'avion de retour d'Irlande, il a d'ailleurs provoqué la colère des associations des défense des personnes gays, lesbiennes, bisexuelles et transgenres, en préconisant "la psychiatrie" pour les enfants identifiés comme homosexuels par leurs parents.

Le pape refuse de commenter

Pour de nombreux commentateurs, la démarche de Vigano s'inscrit dans le cadre d"un complot ultra-conservateur interne à l'Eglise et visant le pape. Dans plusieurs autres scandales, de l'Italie à l'Argentine, en passant par le Chili, François avait été accusé d'avoir ignoré des alertes sur des hommes d'église, d'avoir défendu un prêtre condamné en demandant des "preuves" à des victimes, avant de finalement faire son mea culpa. Mais c'est la première fois qu'il est directement accusé d'avoir couvert quelqu'un.

Interrogé dimanche soir dans l'avion qui le ramenait à Rome, le pape a balayé ces accusations. "Lisez attentivement le document et faites-vous votre propre jugement. Je ne dirai pas un mot là-dessus. Je pense que le document parle de lui-même. (…) Quand un peu de temps aura passé et que vous aurez vos conclusions, peut-être je parlerai", a-t-il déclaré.

Charlie Vandekerkhove avec AFP