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Religions

Etude sur le vote des musulmans: "On veut tordre le cou aux discriminations", dit l'Ifop

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Comment étudier le vote des personnes de confession musulmane? L'institut de sondages Ifop s'est penché sur la question, en appliquant deux méthodes dans sept villes de France.

Comment votent les musulmans de France? C'est la question que s'est posée Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l'Ifop, à la demande de la fondation Jean-Jaurès. Une étude, citée dans Le Parisien mercredi, montre notamment que les personnes de confession musulmane ont massivement voté pour François Hollande en 2012, et que leur déception actuelle est principalement liée à des problématiques économiques et sociales. Plutôt qu'un report sur la droite ou le FN, elle se traduit surtout par une abstention massive.

Les statistiques ethniques interdites en France

Mais la question du vote de personnes musulmanes est délicate: en France, les statistiques ethniques sont interdites au nom de la lutte contre les discriminations. Alors, comment faire pour mener une étude comme celle de l'Ifop? "Nous avons croisé deux méthodes: une méthode classique, à savoir un sondage sur la présidentielle de 2012 au cours duquel nous avons demandé aux gens pour qui ils avaient voté, tout en leur demandant d'indiquer leur religion", explique Jérôme Fourquet.

Deuxième méthode: son équipe a relevé sur l'ensemble des listes électorales de sept villes de France (Roubaix, Marseille, Perpignan, Toulouse, Aulnay-sous-Bois, Mulhouse et Creil) les inscrits dont le prénom est "d'origine arabo-musulmane", qu'ils soient de confession musulmane ou non, pour constituer un pourcentage. "Dans la première, on a des réponses sur les individus. Dans la seconde, on a une analyse dite 'écologique', c’est-à-dire à l'échelle d'un quartier". Mais le tout se défend d'être un sondage. "Il s'agit de tendances", souligne Jérôme Fourquet.

La démarche peut interroger, alors que Robert Ménard, le maire apparenté FN de Béziers, affirme avoir utilisé une méthode similaire dans les écoles de sa ville.

"Le parallèle ne serait pourtant qu’un raccourci paresseux. Ici, il s’agit de produire une analyse statistique ponctuelle; là, de constituer un fichier pérenne. Ici, il s’agit de trouver des données collectives; là, de chercher des données individuelles. Ici, il s’agit de comprendre et de rassembler; là, de ségréger", répond Gilles Finchelstein, président de la fondation Jean-Jaurès, dans l'introduction de l'étude.

Et de rappeler que la "méthode onomastique" a déjà été utilisée par deux chercheurs en sciences sociales, dans le quartier des cosmonautes à Saint-Denis. On la retrouve également dans une étude de 2014 sur Perpignan, là aussi menée avec la fondation Jean-Jaurès.

"Il faut avancer contre les discriminations"

"Oui, ça peut prêter à polémique", admet Jérôme Fourquet. "Mais nous ne sommes pas une collectivité locale! Et on pense que si l'on veut lutter contre les discriminations aujourd'hui, comme la droite et la gauche le préconisent, il faut en mesurer l'état. On n'a pas la prétention de mesurer au millimètre, mais notre étude permet d'avoir des tendances et de tordre le cou à certaines idées reçues".

Pour lui, "on ne peut pas comprendre ce qui s'est passé politiquement dans ces villes sans cette variable". Les résultats et les analyses de l'étude sont disponibles dans l'ouvrage intitulé Karim vote à gauche et son voisin vote FN, aux éditions de l'Aube.