Pourquoi plus personne n’écoute ses messages vocaux

L'usage du répondeur se perd. - CHANDAN KHANNA / AFP
Ils s’accumulent sans que jamais vous ne vous inquiétiez. D'ailleurs, vous ne les regardez même plus. Dix, 15, 30… Combien de messages vocaux laissez-vous pourrir sur votre répondeur sans jamais prendre la peine de les écouter? Si vous êtes encore un fan du répondeur à l'ancienne, faites un sondage à côté de vous et écoutez les justifications de ceux qui l'ont laissé tomber: "trop long", "si c’est urgent on me rappellera", "je préfère les sms". Quand vous tombez aujourd’hui sur un répondeur et qu’on vous demande de "laisser un message après le bip", il y a toutes les chances qu’on ne vous écoute jamais.
Le répondeur est-il définitivement devenu ringard? "Ce qu’il faut bien voir, c’est qu’un usage est parfois nativement lié à un terminal ou un service même si on le détourne", assure Laurence Allard, sociologue des usages numériques et enseignante à Lille 3. "Le téléphone c’est la voix. Mais comme aujourd’hui on est sur un smartphone qui nous permet un accès à des contenus encore plus visuels et sophistiqués, le statut même du smartphone n’est plus associé au vieux téléphone et donc à cette fonctionnalité qui était le répondeur".
"La messagerie vocale est plutôt un service d'hier"
Alors que 73% des Français sont aujourd’hui équipés d’un smartphone, "un tiers de la population française utilise tous les jours une messagerie instantanée pour échanger des messages textes, et 12% pour téléphoner", révélait le Baromètre du numérique de 2017, pour qui "l’envoi de messages est donc quotidien pour plus de huit utilisateurs sur dix alors que l’usage du service de téléphonie est plus ponctuel". Forcément, si on appelle moins, on laisse aussi moins de messages sur les répondeurs de nos correspondants.
Selon une étude menée par la Fédération française des télécoms (FFT), le recours aux messageries instantanés comme WhatsApp ou Facebook Messenger a grimpé de 11 points entre 2016 et 2017, pour atteindre 4% des individus. Dans le même temps, le trafic total de la téléphonie mobile stagne autour de 40 milliards de minutes depuis plus de deux ans. Pour Michel Combot, le directeur général de la Fédération française des télécoms, "la messagerie vocale est plutôt un service d'hier, mais ce n'est pas forcément un usage que l'on mesure directement". Pour lui, "les tendances fortes, c'est la migration des services vocaux vers l'Internet. L'utilisation des messageries comme WhatsApp ou Facebook Messenger s'est substituée aux usages vocaux. Ce qui pose d'autres problèmes, parce que ce sont des applications non régulées".
"Une multiplication des formes de communication et un temps de consultation qui diminue"
Pour Laurence Allard, si le répondeur est devenu "obsolète", on assiste aujourd’hui à sa réinvention sous une autre forme, comme les notes vocales sur WhatsApp, ou les vidéos sur Instagram.
"C’est une constante dans l’histoire des télécommunications, vous avez des réinventions des usages sur d’autres services et dans un nouveau temps par de nouveaux usagers. Et comme il y a une multiplication des formes de communication, le temps d’écouter un message n’est plus pris par personne. Mais autant on ne prend plus le temps d’écouter ses messages, autant on prend le temps de parler à son téléphone pour qu’il transcrive un message texte", explique la chercheuse.
Le temps, c’est bien ce qui manque à Vincent Chollet pour écouter ses messages. "J’en ai 80 en attente sur mon répondeur. Comme tous les gens de ma génération, je me dis que si c’est important, on m’enverra un mail. Si mon grand-père me laisse un message, j’en ai tellement à écouter avant que c’est l’enfer". Avec son associé, il a donc fondé une start-up actuellement en incubation qui développe l’application "Henry". Elle s’est donné pour but de "reconnecter les générations", et devrait être accessible au public en décembre de cette année.