"On nous prend pour des pigeons": à Rouen, les riverains en colère réclament toujours la "vérité" après l'incendie de l'usine Lubrizol

"On nous prend tous pour des pigeons!" Mardi, les Rouennais, indignés, ont manifesté leur colère dans les rues de la capitale normande. De l’amiante, des solvants… 5253 tonnes de produits chimiques sont parties en fumée dans l’incendie de l’usine Lubrizol, classée Seveso seuil haut, selon la préfecture qui affirme cependant que "tous les produits ne sont pas dangereux". Et que le risque lié à l'amiante "n'est pas avéré". Mais ces discours ne suffisent pas à rassurer la population.
"On est en train de nous dire que 8000 mètres carrés de toit en amiante qui brûlent, ça n’a aucune retombée", s’étonne au micro de BFMTV une Rouennaise qui a pris part au cortège des manifestants. "Vous mentez, monsieur le Préfet!", a rétorqué dans un communiqué l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva).
Dans l'attente de la vérité
Quelque 2000 citoyens ont battu le pavé du palais de justice jusqu’à la préfecture avec une revendication: obtenir la "vérité". Une manifestante réclame notamment une "vulgarisation" de la liste des produits chimiques qui demeure obscure: "Nous ne sommes pas tous en capacité de lire des pages et des pages de termes biochimiques", lance-t-elle devant la caméra de BFMTV.
Pour faire pression sur les autorités, des associations et des particuliers ont déjà intenté des actions en justice: 40 dépôts de plainte ont été comptabilisés par le parquet de Rouen qui s’est dessaisi au profit du pôle de santé publique de Paris au vu de l’ampleur et de la complexité du dossier. Compte tenu de l’indignation des Rouennais, la liste des plaintes pourrait encore s’allonger:
"Il faut des actions en justice. Utilisons les moyens que l’on a, qui sont autorisés par la loi et qui permettent de se faire entendre", encourage un manifestant qui s’apprête lui aussi à porter plainte.
L'association Respire a par ailleurs engagé un référé-constat auprès du tribunal administratif de Rouen pour obtenir la nomination d'"un expert afin de constituer les éléments du dossier de manière contradictoire", a expliqué à l'AFP Me Corinne Lepage.
De nouvelles analyses à venir
Face à ce climat de suspicion, la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, a annoncé que les agences publiques chargées des risques industriels (Ineris) et de la santé (Anses) allaient être consultées sur l'éventualité de rechercher de nouveaux produits dans les retombées.
Le chemin semble encore long avant de convaincre les Rouennais, d’autant que la présence de produits "très dangereux pour l'environnement" et "nocifs" a été constaté dans l’usine Lubrizol, selon des rapports officiels datant de 2016 que Mediapart a consultés. Ces dossiers établissent qu’un incendie pourrait donner lieu à la "formation de substances toxiques".