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Ni papi, ni mamie: ces aînés qui refusent de se plier au rôle de grands-parents à l'ancienne

Un grand-père et son petit-fils en train de chahuter.

Un grand-père et son petit-fils en train de chahuter. - Flickr - CC Commons - L.Ladd

De plus en plus de grands-parents revendiquent le droit de ne pas être des baby-sitters attitrés. Tout en aimant profondément leurs petits-enfants, ils refusent d’être sollicités en permanence pour les gardes et les sorties d’école, préférant préserver leur autonomie et profiter pleinement de leur vie active. Des grands-parents racontent à BFMTV.com cette évolution générationnelle qui bouscule l’image traditionnelle de la grand-parentalité.

Leslie Karl le répète à qui veut l'entendre: elle adore ses cinq petits-enfants. Mais cette femme de 54 ans, originaire de Châteauroux (Indre), n'est pas du genre à les garder le mercredi ni pendant les vacances, ni à venir les chercher à la sortie de l'école. Ses deux enfants savent qu'ils peuvent compter sur elle et son mari en cas de pépin ou pour des sorties ponctuelles en famille, mais pas pour assurer la routine quotidienne.

"Autour de moi, j'entends des gens de mon âge dire que c'est normal d'être tout le temps disponible pour garder ses petits-enfants, que c'est notre rôle que ça nous plaise ou non. Et bien non, je ne suis pas d'accord", affirme cette femme de 54 ans, pourtant fière de ses petits-enfants qui ont entre un mois et 8 ans.

Des aînés aux vies bien remplies

Il faut dire que Leslie Karl n'a pas que ça à faire: la quinquagénaire étant encore assez loin de la retraite, elle travaille toujours à temps partiel et son emploi du temps est rempli d'activités et de sorties le reste du temps. "Entre les rendez-vous médicaux, la marche à pied, la piscine, les sorties en ville avec mes copines le soir ou l'après-midi, je suis bien occupée", raconte-t-elle. "Je le fais s'il faut vraiment dépanner mais en semaine c'est souvent compliqué".

"On a fait notre temps et notre boulot de parents. Personnellement, j'ai élevé trois enfants et si j'en avais voulu plus, je l'aurais fait. Là j'estime qu'on doit passer le relais, profiter à notre tour d'un peu de tranquillité", développe cette femme.

"Ce n'est plus de notre âge", ajoute-t-elle. "Je trouve que c'est une responsabilité, et puis il faut avoir de la moelle et de la patience qu'on a plus forcément au quotidien".

La quinquagénaire attribue son état d'esprit à un changement de mentalités générationnel. "Contrairement à nos grands-mères, la plupart d'entre nous travaillons aujourd'hui, et nous partons à la retraite de plus en plus tard", déplore-t-elle. En tout cas, "l'image de la mamie gâteau qui reste à la maison, très peu pour moi", déclare-t-elle. "Les grands-parents de nos jours sont beaucoup plus libérés que ne l'étaient nos parents à l'époque, ils n'ont plus du tout la même image".

Une nouvelle vision de la grand-parentalité

Certains peinent même à accepter ce nouveau statut de "grand-père", qui peut avoir tendance à donner "un coup de vieux". Aujourd’hui, les appellations traditionnelles comme "mamie", "papi" ou encore "mémé" et "pépé" sont délaissées par de nombreux seniors, jugées trop vieillottes. De plus en plus préfèrent être appelés par leur prénom ou par des surnoms plus modernes et personnalisés.

C'est le cas de Janick qui a accueilli sa première petite-fille l'été dernier. À 55 ans, cette enseignante en maternelle peine encore à réaliser qu’elle est désormais grand-mère. "La fête des grands-mères? Honnêtement, j’ai du mal à me sentir concernée. Je ne me vois pas vraiment comme telle, l’idée me semble encore étrange. Pour moi, le mot 'grand-mère' évoque ma propre grand-mère, voire ma mère, mais pas moi…"

Une fillette dans les bras de sa grand-mère (Photo d'illustration).
Une fillette dans les bras de sa grand-mère (Photo d'illustration). © Flickr - CC Commons - L. Williams

Ainsi elle et son mari Pascal ont préféré choisir eux-mêmes leurs surnoms avant la naissance du bébé, peu enclins à être appelés "papi" et "mamie". "Désormais, on nous appelle Mounie et Calou", raconte-t-elle. Une idée empruntée à ses élèves de maternelle, qui sont nombreux à donner des surnoms à leurs aïeuls.

Tant qu'il ne s'agit pas de jouer les baby-sitters, Leslie Karl est néanmoins "toujours partante" pour "les bons moments" avec ses cinq petites têtes blondes. "Je suis toujours là quand il s'agit de faire des trucs sympas avec eux, ça oui", explique-t-elle. "Les cinémas, les sorties au zoo de temps en temps, il n'y a pas de problème".

Des instants privilégiés et sans contraintes

Un avis largement partagé par Sylvie. À 48 ans, cette femme a cinq enfants âgés de 17 à 23 ans. Bien qu'elle ne soit pas encore grand-mère, la conseillère France Travail de Grenoble a déjà prévenu sa fratrie que le jour venu, il sera "hors de question" pour elle d'être "la nounou de service": une nouvelle qu'ils acceptent plutôt bien, pour l'instant.

"En tant que parent on a déjà joué notre rôle, on a le droit de profiter de notre vie. Je pense que nous, les 'vieux' d'aujourd'hui, sommes plus actifs. On est en meilleure santé, on prend soin de nous, on a compris qu'il y a une deuxième vie après les enfants et on compte bien en profiter. En tout cas c'est mon cas."

"Je ne me vois pas faire les gardes du mercredi ou aller les chercher tous les jours a l'école. Je serai prête à le faire s'il y a besoin en cas d'urgence oui, mais pas tous les jours, c'est certain".

Les deux femmes considèrent que devoir gérer leurs petits-enfants plusieurs heures par semaine, voire même pendant plusieurs jours pendant les vacances modifie le lien entre eux. "C'est surtout que c'est pas le même plaisir. À force de les avoir tout le temps, on se voit obligés de faire de l'autorité et de la discipline, ce qui est dommage".

D'autant que des tensions ou des divergences de méthodes éducatives peuvent émerger entre les grands-parents et leurs enfants. "Je le vois avec mes collègues: voir ses petits-enfants tout le temps ça peut générer des conflits, on a plus la même patience".

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV