"Marre de ces incertitudes": à l'approche de la retraite, ils s'inquiètent d'un nouveau changement de règles

Un retraité (image d'illustration). - Pixabay
Pour Christelle, "c'est à n'y plus rien comprendre..." L'assistante dentaire de 60 ans se sent perdue lorsqu'elle cherche à savoir quand elle pourra lever l'ancre et enfin partir à la retraite. Abrogation, suspension, contre-réforme et maintenant "conclave" avec les partenaires sociaux... Lors de sa déclaration de politique générale, François Bayrou a décidé de remettre "en chantier" la réforme des retraites de 2023.
Christelle et son mari -déjà à la retraite- sont dépités: ils ont comme l'impression qu'on "les fait mariner". La jeune sexagénaire, entrée dans l'emploi en 1988, s'imaginait pouvoir partir avec ses 171 trimestres en octobre 2027. Le couple préparait même un projet d'expatriation en Espagne et la vente de leur maison à Saumur (Loire).
"J'aimerais juste être fixée"
Ainsi, l'idée que les règles soient à nouveau modifiée lui fait voir rouge. Elle n'espère même plus un départ plus tôt que prévu.
"Honnêtement? J'en ai marre de ces incertitudes liées à de nouveaux changements législatifs", dit-elle. "Je ne me réjouis pas du tout qu'ils reprennent les débats, au contraire. Je n'en attends plus rien".
"À quoi faut-il s'attendre maintenant? J'aimerais juste être fixée sur ce qu'il va advenir de moi", explique l'assistante dentaire. "Non seulement parce que mon mari m'attend, mais surtout parce que mon employeur dépend de moi pour prendre sa retraite."
Âgé de 70 ans, ce dentiste souhaite lui aussi prendre sa retraite, mais il ne veut pas laisser tomber celle avec qui il travaille depuis plusieurs décennies, sachant combien il est difficile de retrouver un emploi pour les seniors. "Une fois que je connaitrais ma date de départ, il préparera tout pour pouvoir fermer le cabinet, mais pas avant", indique Christelle, reconnaissante, mais embarrassée de ne pas pouvoir lui donner de date précise à cause des risques de changements législatifs.
Un nouvel espoir de gagner quelques mois
Laëtitia, elle, reste suspendue aux lèvres des responsables politiques. Avec son mari âgé de 59 ans, ils croisent les doigts pour que ces nouvelles délibérations politiques, syndicales et patronales aboutissent à un retour en arrière sur l'âge légal de départ - fixé à 64 ans dans la dernière réforme - ou à une meilleure reconnaissance de la pénibilité de certains métiers, en l'occurrence celui de mécanicien chez Air France pour son époux.
Actuellement, son conjoint Franck est censé partir à la retraite en août 2026, selon les conditions de la réforme de 2023. Mais le couple, qui traverse une période délicate en raison des problèmes de santé de l'enseignante, espère rapidement changer de vie et quitter la région parisienne. "On est sur le qui-vive et nous n'attendons qu'une chose: que Franck puisse enfin prendre sa retraite", confie Laëtitia.
"On a un petit espoir que ça bouge, car là pour lui, c'est la double peine: il doit prendre soin de moi tout en continuant les 3/8, dehors dans le froid, à son âge", déplore-t-elle. "C'est harassant et ça a des conséquences sur sa santé."
"Là il est censé commencer à préparer son dossier, mais on est dans l'attente. C'est un peu l'ascenseur émotionnel: Est-ce qu'il va pouvoir partir plus tôt ou pas?", s'interroge la quinquagénaire. "On ne sait pas, alors on attend et on économise, mais niveau moral et santé, c'est dur. Pour nous, que Franck arrête de travailler fin 2026 ou avant, ça n'est pas du tout pareil. Les politiques ne se rendent pas compte de l'impact que ça a concrètement dans la vie des gens."
"La retraite, ça ne se décide pas sur un coup de tête"
Une difficulté d'ailleurs concédée par Renaud Villard, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), qui considère que quelle que soit l'issue du "conclave" voulu par François Bayrou, il sera impossible de changer le système en un claquement de doigts et que la génération née en 1963 restera concernée par la réforme de 2023.
"La retraite, c'est quelque chose qui se prépare, 4 mois, 6 mois avant", a estimé le directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) sur France info.
"Changer les règles du jeu, même d'un point de vue favorable, dans un délai très court, c'est compliqué sur le plan opérationnel et c'est compliqué aussi pour les personnes. La retraite, ça ne se décide pas au dernier moment sur un coup de tête."
Les agents opérationnels de la Cnav, eux, sont partagés vis-à-vis de cette remise en chantier. Si certains ne se montrent pas particulièrement inquiets, d'autres ne cachent pas leur lassitude à l'idée de potentiellement devoir intégrer de nouvelles règles et conditions de départ. "On se demande à quelle sauce on va être mangés", confie une syndicaliste à BFMTV.com.
Sur le terrain, certains agents craignent de "devoir défaire tout le travail qui a été fait ces derniers mois". "Ça nous a déjà demandé un énorme travail de pédagogie envers les équipes et les assurés pour que la mise en application se passe bien, et maintenant on nous dit qu'il va peut-être falloir tout recommencer", s'agace une déléguée syndicale de région parisienne. Elle espère au moins que si changement législatif il y a, celui-ci ne s'applique pas avec effet immédiat comme en 2023. "Histoire qu'on ait au moins le temps de finir l'application de tous les décrets de la dernière réforme et de se former aux nouveautés."