Les internes en médecine saisissent le conseil d'Etat pour réclamer un confinement total

Des médecins qui escortent un patient à Strasbourg, en mars 2020. - Patrick Hertzog - AFP
Pas assez strict, le confinement? Chez les médecins, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour exiger une mise sous cloche "totale" de la population, le gouvernement craignant de voir l'économie s'effondrer en cas d'arrêt global de l'activité.
"C'est un confinement total et absolu de l'ensemble de la population dont nous avons besoin, à l'instar des mesures déployées en Chine", a estimé dans un communiqué le principal syndicat des internes de médecine (Isni), jugeant insuffisantes les mesures prises face à l'épidémie de Covid-19.
Deux internes entre la vie et la mort
Les internes regrettent que du matériel de protection soit utilisé pour le maintien d'activités non-essentielles, alors que les hôpitaux font face à une pénurie sans précédent, qui met la santé du personnel soignant en danger. "Déjà deux internes sont en réanimation entre la vie et la mort par manque de matériel de protection !", s'indignent-ils.
"La poursuite d’entreprises non vitales aux personnes entraîne une consommation de matériel de protection alors que dans les hôpitaux la pénurie est généralisée. Nous, soignant.es, n’avons pas les moyens de nous protéger et devenons contaminé.es et contaminant.es."
En ligne de mire également: le maintien des transports en commun et l'autorisation de certaines sorties, qui résultent selon le syndicat du message "ambigu" délivré par le gouvernement.
"Votre responsabilité est d'être clair, précis et ferme (...) Vous devez cesser les demi-mesures et les discours équivoques", souligne l'Isni, dans ce message adressé au président Emmanuel Macron.
De plus en plus de médecins de cet avis
Aller plus loin dans les mesures contraignantes? Malgré les problèmes d'organisation que cela implique, de plus en plus de médecins s'y disent favorables, le confinement instauré mardi étant jugé par certains trop laxiste et en partie inefficace.
"Il faut clairement serrer la vis. C'est la seule solution pour enrayer cette épidémie et empêcher d'avoir un scénario à l'italienne", estime ainsi le président des médecins de France Jean-Paul Hamon, lui-même contaminé par le coronavirus. "La situation épidémique est telle que la seule solution viable doit passer par un confinement total", abonde le syndicat Jeunes Médecins.
Dans un communiqué, cette organisation syndicale a donc annoncé saisir le Conseil d'État d'un "référé liberté" (une procédure d'urgence, ndlr) afin de "contraindre le Premier ministre à prendre en urgence les mesures qui s'imposent".
"Les jeunes médecins mesurent les conséquences d'une mesure de confinement total et les contraintes que cela imposera à la population" mais "nous ne pouvons laisser les soignants et les patients mettre leur vie en danger", justifie le syndicat.
Un avis partagé par l'Isni, qui a engagé une procédure similaire. "Elle sera examinée dimanche", a précisé le président du syndicat Justin Breysse.
Un "message contradictoire" du gouvernement
Ces derniers jours, plusieurs municipalités se sont agacées du manque de respect par la population des mesures édictées par les autorités, malgré l'instauration d'amendes forfaitaires de 135 euros, avec possibilité de gardes à vue pour "mise en danger de la vie d'autrui".
"Le problème, c'est que le message du gouvernement est contradictoire. On ne peut pas demander aux Français de rester confinés chez eux tout en leur demandant d'aller travailler: les gens ne comprennent pas", juge Jean-Paul Hamon.
Cette position n'est pas "contradictoire" avec les mesures de confinement, a défendu l'exécutif. "Il est absolument compatible et nécessaire de mêler les deux", a-t-il précisé, alors qu'une prolongation du confinement, initialement fixé à deux semaines, est à l'étude.
Un avis que le Dr Hamon, en quarantaine depuis plusieurs jours, dit ne pas partager: "de toute façon, l'économie s'arrêtera si l'épidémie devient incontrôlable. Il faut donc arrêter de tergiverser et prendre des mesures beaucoup plus radicales".