Le nouveau système d'affectation pour l'entrée au lycée à Paris inquiète

Des lycéens masqués à Rennes (photo d'illustration) - Damien Meyer
C'est un bouleversement pour les collégiens parisiens. Le rectorat de Paris a présenté ce vendredi sa réforme d'Affelnet, la procédure d'affectation des élèves par le net, pour l'entrée au lycée. Une procédure qui existe depuis 2008, sorte de Parcoursup des collégiens.
Didier Georges, membre du SNPDEN - Unsa, le syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale, et principal d'un collège à Paris, salue cette initiative. "On sort d'un système sclérosé, on ne peut que s'en féliciter", pointe-t-il pour BFMTV.com. Et d'après les premières simulations, le taux de satisfaction sur les trois premiers vœux des élèves serait en hausse.
La réforme était "attendue depuis des années", assure à BFMTV.com Ghislaine Morvan-Dubois, présidente de la FCPE Paris. "Il y avait des problèmes d'efficacité dans l'affectation mais aussi d'iniquité. Les candidats avec des dossiers moyen ou faible ne trouvaient pas de place car il y avait trop de pression sur certains établissements."
Un périmètre restreint
L'ancienne version avait en effet été très critiquée pour ses ratés. À l'exemple du lycée Turgot, dans le 3e arrondissement de la capitale, qui s'était vu attribuer en 2016 quelque 83% d'élèves boursiers. Et encore l'été dernier, plusieurs dizaines d'élèves de troisième s'étaient retrouvés sans lycée à quelques semaines de la rentrée.
Auparavant, la capitale était divisée en quatre districts (nord, sud, est et ouest). Les notes, la proximité géographique et l'éventuel statut de boursier permettaient le calcul du barème conduisant à l'affectation finale. Mais à partir du mois de mai prochain, il en sera autrement. Et le périmètre de choix de lycées sera restreint.
À chaque collège (sur les 114 établissements publics que compte Paris) sera ainsi attribué cinq lycées situés à 25 minutes maximum, ce qui représentera le secteur 1. Mais le collégien pourra également candidater dans une vingtaine de lycées de secteur 2, soit à quarante minutes de transport, ou encore dans des établissements du reste de la capitale, présenté comme le secteur 3. Mais cela lui rapportera moins de points et il sera donc moins prioritaire.
Un nouveau barème
Selon les secteurs dans lequel le collégien va candidater - dix vœux au total - par rapport à son collège de secteur (et non de scolarité), des points différents lui seront attribués. Soit 32.640 sur le total de 43.440 points pour le secteur 1, puis 17.760 pour le secteur 2 et 16.800 points pour le troisième, comme le précise le rectorat.
Dans le nouveau barème, les résultats scolaires de l'élève compteront par ailleurs pour 9600 points (à part égale entre le socle commun de compétences en fin de cycle et les notes du bulletin), l'indice de position sociale (IPS) du collège d'origine - qui représente la composition sociale de l'établissement (et remplace le bonus Rep/Rep+) - apportera 1200, 600 ou zéro points et le bonus boursier sera réduit à 600 points (contre 4800 auparavant).
Julien Grenet, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la carte scolaire, salue la mise en place de ce bonus IPS. "Cela va favoriser la mixité", explique-t-il à BFMTV.com. Et même dès le collège en incitant les parents à jouer le jeu de la carte scolaire pour l'entrée en 6e." Et ainsi limiter les stratégies d'évitement.
Éviter les lycées de niveau
C'est bien là l'objectif de cette réforme: favoriser les mixités scolaire et sociale pour limiter l'effet attractif ou au contraire repoussoir de certains établissements. Mais aussi éviter qu'un établissement ne concentre davantage d'élèves boursiers qu'un autre et que certains lycées, présentés comme réputés, n'accueillent que de très bons élèves.
"La ségrégation scolaire des lycées parisiens est quatre fois plus élevée que dans les autres académies", précise Julien Grenet, également professeur à l'École d'économie de Paris. "La précédente version d'Affelnet avait créé des lycées de niveau, ça en était devenu une procédure très anxiogène pour les parents."
Le ministère a ainsi veillé à ce que chaque lot de cinq lycées présente un équilibre entre ces différents établissements (deux lycées très attractifs, un ou deux intermédiaire et un ou deux moins prisés, expliquait Claire Mazeron, la directrice académique des services de l'Éducation nationale, au Monde) et que tous les enseignements de spécialité - l'une des nouveautés de la réforme du bac entrée en vigueur l'année dernière pour les élèves de première et cette année pour ceux de terminale - soient également représentés.
Condorcet et Chaptal
Une carte a par ailleurs été mise en ligne. Des simulations permettent de visualiser les lycées des différents secteurs attribués à chaque collège. Un exemple avec Paul Valéry, dans le 12e arrondissement, qui se voit proposer le très demandé lycée Charlemagne (4e) en secteur 1, ou encore Marx Dormoy (18e), avec Condorcet (9e) et Chaptal (8e) toujours en secteur 1.
Le rectorat fait ainsi le pari qu'en "faisant baisser le taux de pression sur les lycées les plus attractifs", ceux-ci ne seront plus uniquement accessibles aux meilleurs élèves mais à d'autres avec un niveau plus moyen. Si Ghislaine Morvan-Dubois, de la FCPE Paris, salue l'idée de cette refonte, elle estime cependant que le compte n'y est pas. Elle dénonce une carte déséquilibrée et craint un "entre-soi" entre collèges et lycées favorisés du centre de Paris.
"Les collèges situés en périphérie, comme dans le nord ou l'est, ne bénéficient pas d'une extension d'affectation jusqu'au centre alors que des lycées, situés à 25 minutes, auraient permis aux élèves de sortir de leur quartier."
Lycées attractifs contre lycées moins attractifs
Pour Didier Georges, du SNPDEN, cette nouvelle version d'Affelnet devrait cependant équilibrer les choses. Du moins c'est ce qu'il espère. "On ne va pas se mentir, aucun élève avec 8 de moyenne n'entrera à Janson de Sailly (16e). Mais avec le temps, des lycées dit attractifs accueilleront davantage d'élèves moins triés sur le volet et plus proches géographiquement, alors que les lycées dits peu attractifs accueilleront davantage de bons élèves."
Le chercheur Julien Grenet craint cependant que les effets attendus sur la mixité sociale ne soient pas forcément au rendez-vous.
"Tout va dépendre de l'équilibre des secteurs et à quel point ce nouveau système va favoriser un brassage social. Ce n'est pas évident d'anticiper les effets ni de prédire aujourd'hui les conséquences à long terme. Il y aura certainement des ajustements à faire."
"Un élève ne pourra aller que dans un ou deux lycées"
Certains parents s'inquiètent déjà. Comme Hervé Rindzunski, administrateur de la FCPE 75 et président de l'union locale FCPE Paris centre, qui considère pour BFMTV.com que cette réforme va faire beaucoup de perdants.
"Il y aura bien sûr des élèves qui seront avantagés", admet-t-il pour BFMTV.com. "Mais il y en aura énormément qui auront moins de choix. C'est un leurre de croire que cette réforme va permettre plus de mixité."
Selon lui, un lycéen moyen n'aurait en réalité que très peu de chance d'être accepté dans un lycée présenté comme bon. "En pratique, un élève ne pourra aller que dans un ou deux lycées." Il cite l'exemple de ces deux établissements réputés, Charlemagne et Chaptal, qui se retrouvent dans le lot d'établissements de secteur 1 de nombreux collèges.
"Si ces lycées apparaissent dans les secteurs 1 de 20 ou 25 collèges, au final, ça ne laisse que très peu de chance pour chaque élève d'y entrer, c'est statistique. J'ai fait des simulations, les chances pour intégrer ce type d'établissement sont au final minimes."