L'Académie française promet finalement de s'intéresser à la féminisation de la langue

Hélène Carrère d'Encausse, membre de l'Académie française, le 1er décembre 2016 à Paris. - Eric FEFERBERG / AFP
Fin octobre, l'Académie française était vent debout contre l'écriture inclusive. L'institution lançait un "cri d'alarme" et mettait en garde contre le "péril mortel" guettant la langue française. Mais quelques semaines plus tard, elle semble avoir évolué sur l'idée de féminiser la langue, pour un point en particulier: les titres, les fonctions, les grades et, pourquoi pas, certains noms de métier.
L'écriture inclusive recouvre différentes règles visant à abolir les inégalités liées au genre dans la langue française: pour les accords, le masculin n'est plus considéré comme neutre et ne l'emporte plus sur le féminin, les termes doivent être féminisés au maximum et les expressions pouvant s'adresser sans distinction aux hommes et femmes sont privilégiées. Un "point milieu" peut par ailleurs être utilisé pour inclure le suffixe féminin, comme dans "acteur.rice.s" ou "ingénieur.e.s".
La "nécessité d'une harmonisation" de la langue
Comme l'a rapporté Le Figaro ce jeudi, c'est Hélène Carrère d'Encausse, la secrétaire perpétuelle de l'Académie, qui a évoqué ce souhait d'évolution dans une lettre envoyée début novembre à Bernard Louvel, le premier président de la Cour de cassation. L'historienne et ancienne députée européenne reconnaît que depuis vingt ans, l'évolution de la société a entraîné des modifications linguistiques "dont il conviendrait aujourd'hui de prendre la mesure". Elle se dit cependant opposée à l'utilisation du point milieu et veut continuer, pour les accords, de considérer le masculin comme neutre.
Revenant sur les débats autour de l'écriture inclusive, elle reconnaît que les membres de l'Académie française "se sont accordés à reconnaître la nécessité d'une harmonisation". Une réflexion devrait donc être entamée d'ici fin décembre sur le sujet. Jusque-là, l'institution gardienne de la langue française déconseillait de féminiser les noms de titres, de grades et de fonctions officielles, estimant que tous devaient garder un caractère abstrait, que le genre ne devait pas transparaître.
Le service du dictionnaire de l'Académie, cité par le quotidien, confirme qu'outre les titres et fonctions, l'institution se penchera désormais sur la féminisation de "certains noms de métiers".
Un premier pas vers l'écriture inclusive
Dans un premier courrier adressé à l'Académie, et auquel Hélène Carrère d'Encausse a ainsi répondu, Bernard Louvel soulignait que la féminisation des fonctions s'était développée dans la fonction publique et le corps judiciaire notamment. Désormais, on utilise en effet les termes "procureure" ou encore "substitute".
"L'usage a-t-il suffisamment évolué, pouvant amener l'Académie à infléchir son point de vue? Aujourd'hui la seule exception consiste à autoriser la féminisation des fonctions à la demande des intéressées. Ce double régime du masculin et du féminin n'est guère envisageable", estimait Bernard Louvel, appelant de ses voeux un travail de clarification.
Si la réflexion des académiciens aboutit, l'Académie française adopterait en réalité une partie des principes de l'écriture inclusive. Tout comme Edouard Philippe, qui défendait sans le savoir plusieurs règles de cette écriture dans sa circulaire qui appelait pourtant à en "bannir l'usage". L'écriture inclusive est à tort souvent réduite à l'usage du point milieu, et à la disparition de la règle selon laquelle le masculin l'emporte sur le féminin.