"Il me roue de coups de poing": la fille de François Bayrou se confie sur les violences subies à Bétharram

Une vieille photo de l'établissement Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques. - Flickr - CC Commons - Séminaire de Bétharram Éditeur
"Je me suis urinée dessus et suis restée toute la nuit, comme ça, humide et prostrée dans mon duvet". L'affaire des violences physiques et sexuelles à Notre-Dame-de-Bétharram, qui s'étalent sur un demi-siècle, n'en finit pas d'amasser de nouveaux témoignages. Quelque 200 plaintes ont d'ores et déjà été déposées, mais seules deux ne tombent pas sous le coup de la prescription.
Parmi ceux qui ont été victimes de violences, l'une des filles de l'actuel Premier ministre François Bayrou, Hélène Perlant. Cette dernière se confie dans un livre à paraître, Le silence de Bétharram, co-écrit par Alain Esquerre, fondateur du collectif des victimes de Bétharram, et une journaliste.
"Toi, la fille Bayrou, insolente comme ton père!"
La fille du chef du gouvernement a accordé un entretien à Paris-Match, ce mardi 22 avril, dans lequel elle revient sur ce qu'elle a subi à l'époque, lors d'un camp d'été dans les Pyrénées, organisé par la même congrégation à laquelle Bétharram appartient. Auprès de nos confrères, elle relate comment elle a été prise en grippe par le père Lartiguet, mort en 2000, et la bonne sœur qui supervisait la préparation à la communion solennelle.
"Ces deux-là m'avaient à l'œil! Elle avait quelque chose de sadique, de très malveillant, une vraie méchante, qui a voulu se venger. Lui m'avait déjà lancé: 'Toi, la fille Bayrou, insolente comme ton père!'", se souvient-elle.
Lors de ce camp d'été, "on était une quarantaine, moniteurs inclus". "Un soir, alors qu'on déballe nos sacs de couchage, Lartiguet me saisit tout d'un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre. Il pesait environ 120 kilos. Pour parler crûment, je me suis urinée dessus et suis restée toute la nuit, comme ça, humide et prostrée dans mon duvet", confie-t-elle.
"Lartiguet ne s'excuse pas, il n'est pas en colère, il n'est pas gêné, j'entends juste: 'Elle s'arrêtera peut-être de sourire?' Dans les yeux de ceux qui ont assisté à ça, il n'y a rien. Le vide. Ils sont épinglés sur place, témoins de rien. Avec le recul, j'ai pu trouver leur réaction généreuse, comme pour dire: 'On n’a rien vu de ton humiliation'", se souvient-elle encore.
"Mon père, j'ai peut-être voulu le protéger, inconsciemment"
Le lendemain de cette agression, Hélène Perlant se rappelle être "pleine d'ecchymoses", et de souffrir d'"acouphènes sévères". "Je vais en balade avec les autres en jurant que je ne suis pas cassée, que je ne suis pas sa victime, et je me jure que je sourirai deux fois plus. Cette scène d'agression gratuite, encore aujourd'hui, je ne la supporte pas, je l'évacue", explique-t-elle.
Pourquoi n'a-t-elle pas porté plainte, à l'époque? "J'ai verrouillé. Refoulé. Cette violence extrême devient un non-événement. Elle empêche de faire de cette scène une réalité. Mais j'y ai laissé beaucoup. Ma structure s'est effondrée pour sortir du déni", souligne-t-elle.
Alors que son père, qui a eu plusieurs de ses enfants scolarisés à Bétharram, est accusé d'avoir menti sur sa connaissance des faits et est visé par une plainte pour non-dénonciation de crime et délit, Hélène Perlant assure n'avoir pas parlé des violences subies.
"Je suis restée trente ans dans le silence. En dehors de ça, pas une allusion, à personne. Mon père, j'ai peut-être voulu le protéger, inconsciemment, je pense, des coups politiques qu’il se prenait localement. Et il en prenait! La violence a toujours été là, même lors de ses premiers mandats", affirme-t-elle.
“Le Canard enchaîné l'a contacté il y a un mois pour réagir, j'imagine, à la sortie du Silence de Bétharram dans lequel ils lui ont appris que j'intervenais. Il m'a téléphoné: 'C'est vrai?', me demande-t-il. On en rigole et il reprend: 'Tu dis quoi? Tu penses quoi? J'ai un peu la trouille! Tu me dénonces? – Je ne te réponds pas! Tu verras!' Il ne sait pas que je suis victime et il ne sait pas que je vais témoigner comme victime", raconte-t-elle encore à nos confrères.
"Évidemment, on peut penser qu'il a eu toutes les infos. Mais lui, comme les autres parents, était très, très intriqué politiquement, localement. Lui davantage. Mais je le mets au même niveau que tous les parents. Plus on est intriqué, moins on voit, moins on comprend", explique-t-elle aussi.
Et de conclure: "Les victimes de coups et d'agressions sexuelles n'ont pas parlé. Chacun a vécu son drame comme s'il était le seul à le subir. Moi-même, j'ai été dans le système et je n'ai pas vu."