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Grève des avocats: qu'est-ce que l'aide juridictionnelle?

De nombreux avocats sont en grève ce jeudi, inquiets de voir leurs revenus taxés pour financer l'aide juridictionnelle.

De nombreux avocats sont en grève ce jeudi, inquiets de voir leurs revenus taxés pour financer l'aide juridictionnelle. - -

La profession s'inquiète des futurs arbitrages du gouvernement, qui doit trouver comment financer l'aide juridictionnelle. Cette aide permet aux plus démunis de ne pas payer de frais d'avocat.

Un divorce, un licenciement abusif... Les raisons d'avoir recours à un avocat sont nombreuses. Pour près de neuf millions de Français, sans l'aide juridictionnelle de l'Etat, ces services seraient financièrement inaccessibles.

Or, les avocats s'inquiètent des futurs arbitrages du gouvernement sur cette aide. Ils sont massivement en grève ce jeudi, à l'appel du Conseil national des barreaux, qui représente la profession. Décryptage avec son président, Jean-Marie Burguburu.

> Comment fonctionne l'aide juridictionnelle?

Tous les Français dont les revenus mensuels sont inférieurs à 936 euros par mois y ont le droit. C'est une aide qui permet aux plus démunis d'avoir accès à la justice sans devoir payer les frais d'avocat. Du coup, lui est "indemnisé" par l'Etat.

Il touche cependant moins d'argent que s'il avait facturé ses honoraires de manière classique. L'Etat a fixé une grille tarifaire pour chaque acte. Ainsi, "une plaidoirie aux assises sera toujours indemnisée de la même somme, quels que soient la difficulté juridique de l'affaire et le temps que l'avocat y aura consacré", observe Jean-Marie Burguburu.

> Qu'est-ce qui motive les avocats à travailler de la sorte?

On estime que 42% des avocats interviennent au titre de l'AJ, l'aide juridictionnelle. Pour la plupart d'entre eux, "travailler pour des clients démunis est un choix humain et précieux: la justice doit être la même pour tous. Ces avocats tentent de trouver un équilibre financier en alternant avec des clients plus aisés, qui peuvent s'acquitter des honoraires classiques", explique le président du Conseil.

Mais dans certains barreaux, comme en Seine-Saint-Denis ou dans le Nord de la France, "quasi 100% des justiciables sont à l'AJ". "L'essentiel des revenus de ces avocats provient des indemnités de l'Etat", souligne Jean-Marie Burguburu, qui rappelle que la profession est très éclatée et hétérogène: "Certains gagnent extrêmement bien leur vie, mais d'autres sont dans une grande précarité, avec à peine un SMIC par mois".

> Pourquoi les avocats font-ils grève?

Le gouvernement veut réformer l'AJ pour lui trouver un mode de financement pérenne après la suppression, au 1er janvier dernier, du droit de timbre de 35 euros qui était demandé aux particuliers pour engager une procédure, et qui servait notamment à financer cette aide. "C'est très sage d'avoir supprimé cette taxe, mais il faut retrouver les 60 millions d'euros perdus depuis", soupire le président du Conseil.

L'une des pistes évoquées consisterait à appliquer une taxe sur le chiffre d'affaires des cabinets d'avocats. "C'est absurde, et cela conduirait à 'tuer' grand nombre de petits cabinets qui ne survivent que par les clients qui ont recours à eux par l'AJ", s'indigne-t-il, rappelant que "le budget consacré à ces indemnisations n'a pas évolué depuis des années".

> Que proposent les avocats?

Le Conseil national des barreaux, conscient du manque de crédits alloués à l'AJ, préconise d'autres pistes de taxations, comme celle des actes juridiques ou des contrats d'assurance de protection juridique. "On demande aux notaires et aux assureurs de céder du terrain", reconnaît Jean-Marie Burguburu. Sans surprise, ils s'y opposent.

La profession demande également la création d'un fonds d'aide juridique "pour confier la gestion des fonds de l'AJ à des avocats et non pas à l'Etat", lance, critique, le président. Là encore, cette proposition est pour le moment restée lettre morte.

Vendredi, alors que son agenda ne le prévoit pas, la ministre de la Justice Christiane Taubira devrait se rendre à une rencontre organisée à Paris en marge d'une assemblée rassemblant les représentants de la profession. Une discussion pourrait s'y engager entre les deux parties.

Alexandra Gonzalez