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Société

Et si on punissait la discrimination envers les plus pauvres?

8,7 millions de Français, soit 14,3% de la population, vivaient en 2011 sous le seuil de pauvreté (avec moins de 977 euros par mois).

8,7 millions de Français, soit 14,3% de la population, vivaient en 2011 sous le seuil de pauvreté (avec moins de 977 euros par mois). - -

L'association caritative ATD-Quart Monde milite pour faire inscrire la discrimination pour grande pauvreté dans le code pénal.

C'est un comble: être pauvre est un handicap... lorsqu'on recherche un emploi. ATD-Quart Monde a fait le test, et en conclut que les CV sont souvent ignorés lorsqu'ils sont rédigés par des demandeurs d'emploi précaires. Un pléonasme d'une évidence désarmante, mais là où les plus démunis finissent par se résigner, l'association caritative, elle, n'a pas l'intention de baisser les armes.

A l'occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, ce jeudi, ATD-Quart Monde plaide pour que la discrimination pour pauvreté soit inscrite dans le code pénal, autrement dit pour qu'elle soit punie par la loi.

Comment définir pauvreté et grande pauvreté?

L'un des premiers rapports à avoir défini la grande pauvreté est celui du père Joseph Wresinski, le fondateur d'ATD-Quart Monde. Sa publication, en 1987, avait précédé de peu l'instauration du revenu minimum d'insertion (RMI), remplacé aujourd'hui par le RSA. 26 ans après, ce rapport fait toujours figure de référence.

Parmi les personnes en situation de précarité, la grande pauvreté désigne notamment les chômeurs de longue durée dans l'incapacité de retrouver un emploi stable et/ou suffisamment rémunéré. Cette exclusion du marché de l'emploi se double souvent d'une exclusion sociale chronique et d'une misère matérielle. Les personnes souffrant de grande pauvreté sont mal logées, manquent des produits de première nécessité, qu'il s'agisse de l'alimentation, de l'hygiène, des vêtements. Souvent, elles sont encore fragilisées par des problèmes de santé, par des accidents de la vie -divorce, perte d'un proche, voire par des addictions comme l'alcoolisme.

Le 11 octobre dernier, l'Observatoire des inégalités a rappelé le seuil de pauvreté en France: "Un individu peut être considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 814 ou 977 euros (données 2011) selon la définition de la pauvreté utilisée (seuil à 50% ou à 60% du niveau de vie médian)". Selon la définition retenue, la France compte donc entre 4,9 et 8,8 millions de pauvres, sur une population de 65 millions d'habitants.

Pourquoi punir la discrimination pour pauvreté?

Aujourd'hui, la loi sanctionne les discriminations selon 19 critères comme l'origine ethnique, la religion, ou l'orientation sexuelle. Mais les discriminations à l'encontre des personnes en situation de précarité n'entrent pas dans le champ.

Pour Pierre-Yves Madignier, le président d'ATD-Quart Monde, la discrimination pour pauvreté est "une sorte d'éléphant dans la boutique" de la société française: "Tout le monde le voit mais personne n'en parle (...). Nous demandons aujourd'hui à la République de reconnaître cette discrimination".

De fait, le "testing" réalisé par l'association au printemps dernier est sans appel: à l'embauche, les CV de personnes précaires sont plus souvent délaissés. D'autres testings avaient révélé la même inégalité de traitement dans l'accès aux soins: jusqu'à un quart des médecins refuse de soigner les bénéficiaires de la CMU. En souhaitant pénaliser la discrimination pour pauvreté, ATD-Quart Monde se défend de vouloir "judiciariser la société française", mais n'exclut pas "quelques procès pour faire réfléchir".

Alexandre Le Mer et avec AFP