En quoi consiste le traité franco-britannique sur l'immigration?

Des migrants tentent de traverser la Manche pour rejoindre la Grande-Bretagne sur le canot pneumatique d'un passeur, sur la plage de Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 15 janvier 2025. (Photo d'illustration) - BERNARD BARRON
Londres et Paris veulent envoyer un "message clair". Le ministère britannique de l'Intérieur a annoncé avoir placé en détention, ce jeudi 7 août, les premiers migrants arrivés au Royaume-Uni après l'entrée en vigueur du traité franco-britannique sur l'immigration mercredi.
Selon les termes de cet accord, les personnes arrivées clandestinement sur les côtés anglaises seront désormais renvoyées en France en échange de l'envoi outre-Manche de migrants se trouvant sur le sol hexagonal.
"Si vous venez ici illégalement sur un petit bateau, vous risquez d'être renvoyé en France", a déclaré ce mardi Keir Starmer, le Premier ministre britannique.
Le principe du "un pour un"
Dorénavant, les migrants arrivés au Royaume-Uni sur des embarcations de fortune et dont les demandes d'asile auraient été jugées inadmissibles par le passé, seront directement renvoyés en France. Le traité précise également, selon l'AFP, que ce retour se fera dans un délai de 14 jours après leur arrivée.
Une demande formelle devra être envoyée aux autorités françaises pour chaque transfert et l'ensemble du processus pourrait prendre jusqu'à trois mois. Les mineurs non accompagnés ne seront, en revanche, pas concernés par cette mesure. Autre point important: c'est le Royaume-Uni qui en assumera tous les coûts.
Conformément au principe du "un pour un", le même nombre de personnes présentes sur le sol français et ayant fait une demande sur une plateforme en ligne seront acceptées outre-Manche. Cette plateforme est opérationnelle depuis ce jeudi sur le site internet du gouvernement britannique. La priorité sera donnée aux personnes ayant des liens avec le Royaume-Uni.
Le nombre de migrants concernés par cet échange n'a pas été précisé.
"Bien sûr, il commencera avec un nombre réduit" de migrants "mais nous voulons pouvoir l'étendre", a déclaré ce mardi 5 août la ministre britannique de l'Intérieur Yvette Cooper sur la BBC.
Un projet "expérimental"
D'après le ministère de l'Intérieur français, il s'agit pour le moment d'un "projet pilote expérimental" avec pour objectif premier de dissuader les personnes souhaitant se rendre clandestinement au Royaume-Uni de traverser la Manche sur des embarcations précaires.
Le texte, qui a été paraphé dans sa version finale le 10 juillet dernier lors de la visite officielle d'Emmanuel Macron à Londres, se veut également être un signal clair à destination des passeurs: ne faites plus emprunter cette voie meurtrière.
"Cela envoie un message à chaque migrant qui envisage de payer un groupe criminel pour aller au Royaume-Uni: ils risquent leur vie et gaspillent leur argent en montant dans ces petits bateaux", a déclaré la ministre britannique Yvette Cooper.
"Personne ne devrait tenter cette illégale et dangereuse traversée qui met à mal la sécurité de nos frontières et remplit les poches de groupes criminels", a-t-elle ajouté. Celle-ci a toutefois reconnu qu'il "faudra du temps" démanteler les réseaux de passeurs, "ces détentions sont une étape importante pour saper leur modèle économique et leurs fausses promesses", a déclaré la ministre de l'Intérieur Yvette Cooper, citée dans le communiqué.
Inefficace et contre-productif?
Sur le littoral, l'entrée en vigueur de ce texte et son application ne convainquent pas le maire de Sangatte, Guy Allemand, membre du collectif de maires des villes du littoral. Au micro de RMC ce mercredi 6 août, l'édile exprime sans détour son opposition au texte qu'il n'a pas eu la possibilité de consulter avant sa signature. "On subit depuis des années", s'agace Guy Allemand..
"Je dirais que c'est une réaction politique du gouvernement travailliste de Keir Starmer face à la pression du parti nationaliste anti-immigration de Nigel Farage qui monte en puissance en Angleterre", confie le maire de Sangatte.
Pour Guy Allemand, l'accord conclu entre la France et le Royaume-Uni serait un prétexte "pour démontrer qu'il se passe quelque chose" et que les deux pays se soucient réellement de la situation. Sans effet sur le terrain.
Auprès de Franceinfo, l'association Utopia 56 s'inquiète déjà de l'application de ce texte et des conséquences pour les candidats à la traversée, à leur arrivée au Royaume Uni. "On peut imaginer qu'il y a des personnes qui vont être arrêtées à leur arrivée en Angleterre plutôt qu'être conduite dans des logements provisoires. Et dont le statut va être jugé apte à être renvoyés en France, via des voies dont on ne sait pas comment elles vont être mises en place", juge Angèle Vettorello, coordinatrice de l'association.
Le délégué général de l'Auberge des migrants, également interrogé par Franceinfo, reste particulièrement dubitatif quant à l'effet de cet accord sur la fréquence des traversées illégales. Avec la crainte de créer "une boucle sans fin".
"Il y a encore plus un risque que des personnes soient renvoyées en France pour, finalement, réessayer de passer", confie Adrien Delaby
Depuis janvier 2025, 25.400 personnes sont arrivées en Angleterre après avoir traversé la Manche à bord de petits bateaux. Des traversées à haut risque compte tenu de la dangerosité de la Manche et de la circulation maritime, combinée à la fragilité des embarcations surchargées.
Depuis le début de l'année, 18 personnes sont mortes en tentant la traversée. En 2024, selon l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), ils étaient 78.