Elisabeth Revol critique les secours: "On aurait pu sauver Tomek"

Elisabeth Revol. - Jean-Philippe Ksiazek - AFP
Près de deux semaines après son sauvetage in extremis sur le Nanga Parbat, l'alpiniste française dénonce la lenteur des secours. Une situation qui selon Elisabeth Revol a coûté la vie à son compagnon de cordée, le Polonais Tomasz Mackiewicz. "Quand on déclenche un secours, c’est en urgence et là, il a fallu attendre 48 heures, pour qu’il y ait quelque chose qui se passe", insiste l'himalayiste qui a gravit les 8.125 mètres du sommet.
"J’ai beaucoup de colère en moi, poursuit-elle. On aurait pu sauver Tomek s’il y avait eu de réels secours pris à temps et organisés."
"Tout s'est passé en cascade"
Le 25 janvier dernier, à 23h10, Elisabeth Revol a envoyé un SOS à son routeur, basé en France, Ludovic Giambiasi, à son mari, Jean-Christophe, et à la femme de Tomasz, Anna. Le duo qu'elle forme avec Tomasz Mackiewicz, après avoir réussi à gravir les 8.125 mètres du Nanga Parbat, dans le nord-est du Pakistan, est en perdition dans la descente. Le Polonais souffre alors d'un trouble de la vision causé par la forte luminosité en haute montagne et par un oedème pulmonaire.
"Tomek n’a pas mis ses lunettes, détaille Elisabeth Revol. Je lui ai dit de mettre ses lunettes, et ensuite je n’ai pas insisté. Je pense que c’est le premier détail qui me vient en tête car ensuite tout s’est passé en cascade."
Une centaine de messages sont échangés - et certains perdus en route - entre Elisabeth Revol et ses proches avant que son appareil GPS ne s'éteigne. L'alpiniste ne sera tenue au courant que de l'essentiel, les consignes à suivre en fonction de son état et la progression des secours. Des secours qui ont rencontré "des freins et des problèmes", a déploré Ludovic Giambiasi, qui a coordonné les bonnes volontés et les compétences internationales depuis Gap.
"Il m’a dit ‘il y a aucun souci'"
Parmi les plus regrettables, selon lui, il y a eu des "mensonges de certains Pakistanais" sur la "disponibilité, la réservation et les capacités des hélicoptères" à monter ou non chercher Tomek à plus de 7000 m d'altitude, puis à chercher Élisabeth Revol, descendue jusqu'à 6.300 m par ses propres moyens, puis au camp de base avec l'aide de deux himalayistes polonais Denis Urubko et Adam Bielecki.
"Quand je me suis séparée de Tomek j’avais la consigne que je descendais et que les secours arrivaient dans deux-trois heures. Pour moi, clairement, j’en ai discuté avec Tomek, je lui ai dit 'tu restes ici, tu es protégé dans ta crevasse, j’ai partagé le point GPS donc on sait exactement où tu es et pour que l’hélico puisse venir te secourir, je suis obligée de descendre’."
"Il m’a dit ‘il y a aucun souci, j’attends là, il n’y a pas de problème’", conclut Elisabeth Revol, actuellement soignée intensivement à l'hôpital de Sallanches (Haute-Savoie) pour tenter d'éviter une amputation, notamment du pied gauche, le plus atteint par les gelures.