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ABCD de l'égalité: le gouvernement a laissé tomber l'étiquette

Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem en janvier 2014 dans une école de Villeurbanne, pour présenter les ABCD de l'égalité.

Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem en janvier 2014 dans une école de Villeurbanne, pour présenter les ABCD de l'égalité. - -

Mis en place à la Toussaint 2013, le dispositif expérimental des ABCD de l'égalité ne sera pas généralisé à la rentrée 2014. Retour sur un abandon controversé.

L'arbitrage de Benoît Hamon est tombé lundi: l'ABCD de l'égalité n'existe plus. Le site qui lui est consacré n'affiche déjà plus ce nom. C'est Najat Vallaud-Belkacem qui l'a officialisé samedi. Retour sur l'abandon d'un dispositif emporté par de vives polémiques.

> Un projet brocardé par une frange conservatrice

Expérimentation lancée dans 600 classes à la Toussaint 2013, l'ABCD de l'égalité était un dispositif élaboré par le ministère de l'Education nationale et celui du Droit des femmes. Lancé par Najat Vallaud-Belkacem et Vincent Peillon pour une généralisation à la rentrée 2014, ce dispositif devait lutter contre les stéréotypes filles-garçons à l'école. 

Il s'agissait, selon la présentation du projet, de "faire prendre conscience aux enfants des limites qu'ils se fixent eux-mêmes, des phénomènes d'autocensure trop courants, leur donner confiance en eux, leur apprendre à grandir dans le respect des autres".

Rapidement, des appels à boycotter l'école sont relayés sur les réseaux sociaux: les deux ministres sont accusés de vouloir "nier les différences biologiques" entre filles et garçons. Les opposants au mariage homosexuel, notamment La Manif pour tous, s'unissent à ce front contre un supposé enseignement d'une théorie du genre qui nierait la différence sexuelle entre filles et garçons. On y trouve aussi Farida Belghoul, fondatrice des Journées de retrait de l'école, proche de l'extrême droite.

Des parents reçoivent des SMS les encourageant à ne pas envoyer leurs enfants en classe. Les petits garçons seraient obligés de porter des robes, des cours de masturbation seraient dispensés en maternelle… Les rumeurs les plus folles circulent. Vincent Peillon se voit obligé de les démentir publiquement.

> Le gouvernement enterre le projet

Désormais, à deux mois de la rentrée scolaire, le gouvernement tente de tourner la page de la controverse. Et si le bilan des ABCD est "positif", clament les ministres, Najat Vallaud-Belkacem le reconnaît: "le nom 'ABCD de l'égalité' n'apparaîtra plus". Pour Benoît Hamon, qui a pris le relais au ministère de l'Education, il y a eu "confusion" autour des ABCD. Et selon lui, l'éducation à l'égalité fille-garçon "ne peut pas se faire correctement dans une atmosphère de lutte".

Mais les deux ministres assurent que le fond du projet n'est pas abandonné. Dans le nouveau "plan d'action" de Benoît Hamon, une "malette pédagogique" distribuée à 320.000 enseignants d'élémentaire, et 25.000 futurs professeurs seront formés sur le sujet. L'égalité filles-garçons sera aussi incluse dans les programmes scolaires, qui ont pris un an de retard et devraient être mis en place à partir de la rentrée 2016.

Enfin, le gouvernement tente de rassurer les parents, et notamment ceux qui n'avaient pas envoyé leur enfant à l'école pendant la polémique. Les établissements scolaires devront inscrire cette question de l'égalité dans leur projet éducatif, ce qui permettra de la faire partager aux parents et en conseil d'école ou d'établissement", a assuré Najat Vallaud-Belkacem.

> Des doutes et des déceptions

Mais si l'arbitrage rendu par Benoît Hamon satisfait certains membres de l'UMP, des organisations comme la Manif pour tous affirment ne pas croire aux annonces du ministre. "Les déclarations de Hamon ne sont pas rassurantes puisque le label ABCD est abandonné certes mais il est remplacé par un dispositif beaucoup plus large", a commenté lundi Albéric Dumont de la Manif pour tous, appelant à une manifestation le week-end du 4-5 octobre.

D'autres ne cachent pas leur déception. "La reculade est claire", constate ainsi Muriel Salle, maîtresse de Conférences à Lyon 1 et formatrice pour les ABCD. "C'est ahurissant, l'impensable est arrivé".

"La reculade est de dire que ce ne sera pas un module spécifique sur un temps à part", a estimé Paul Raoult, président de la FCPE, première fédération de parents d'élèves. Il redoute que l'enseignement ne soit pas plus mis en oeuvre que l'instruction civique au collège.

"Ce qui importe, ce n'est pas la marque ou l'étiquette, mais bien le contenu", selon Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, premier syndicat du primaire. "Il ne s'agit pas de jeter à la poubelle ces outils pour lesquels beaucoup d'enseignants se sont investis", a-t-il demandé. "Comme pour la mallette, j'attends de voir précisément le plan de formation" des enseignants.

Ariane Kujawski