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"Des déserts alimentaires": les villages toujours plus nombreux à souffrir de la fermeture des commerces de proximité

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Les villages ruraux sont de plus en plus confrontés à la fermeture de leurs commerces de proximité, privant leurs habitants de biens essentiels. Face à ces "déserts alimentaires", les élus innovent.

Rouler plusieurs kilomètres pour acheter une baguette de pain ou faire quelques courses. Voici le quotidien de nombreux Français, victimes du "désert alimentaire" de leur commune rurale.

Cette notion, qui a d'abord désigné "des quartiers où il n’est pas possible d’acheter des aliments sains à des prix abordables", qualifie plus précisément aujourd'hui "des quartiers sans aucun commerce alimentaire", explique la Chaire UNESCO de l'alimentation du monde.

"Il faut anticiper"

À Puceul, en Loire-Atlantique, l'unique boulangerie a baissé le rideau cet été, trois ans après la boucherie. Désormais, le village d'environ 1.000 habitants ne compte plus aucun commerce alimentaire, comme 65% des communes françaises en 2025, selon l'Insee. Seul un distributeur de pain permet de s'approvisionner. Alors les habitants s'adaptent.

"Il faut anticiper et avoir une voiture, sinon on ne peut pas habiter dans la campagne", témoigne l'un d'eux.

Même constat pour cette Puceuloise. "C'est un peu compliqué. Moi qui n'ai pas de voiture, je suis obligée de demander à des amis si je peux emprunter leur véhicule pour aller faire mes courses", confie-t-elle au micro de BFMTV.

Mise en place d'épiceries autonomes

À moins d'une heure de route, à La Sicaudais, la situation est identique. Les commerces de proximité ont tous disparu. Toutefois, pour pallier cette absence, la municipalité a eu la bonne idée d'installer une épicerie autonome durant l'été. Les clients réalisent leurs achats et s'encaissent eux-mêmes. Un QR code permet d'activer la porte du magasin, ouvert quotidiennement de 5 heures à 23 heures.

"Les prix sont vraiment raisonnables", constate un habitant. "Ça dépanne au quotidien", reconnaît une autre. Et pour la municipalité, cette supérette permet de créer du lien social. "Même s'il n'y a personne derrière le guichet, les gens ont pris l'habitude de se rencontrer ici", constate l'adjoint à la vie économique et à l'agriculture du village, Jacques Malhomme.

Selon les derniers chiffres, entre 130 et 150 personnes passent par l'épicerie autonome chaque jour. "Ces clients se croisent sur le site, et c'est la raison même du lien social et du commerce de proximité", poursuit l'adjoint au maire.

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Une multiplication de ces établissements

Conçue par l'entreprise Api, qui compte près de 130 épiceries automatisées, cette supérette propose 700 produits du quotidien au même prix que dans les grandes surfaces. Aujourd'hui, ce sont "12.000 communes qui ne possèdent pas ou plus de commerces de proximité", explique l'entreprise, dont l'objectif est de "défendre le pouvoir d’achat des habitants du monde rural et de participer à la redynamisation des territoires".

"Les habitants du monde rural perdent peu à peu ce qui fait l’âme de leur village: proximité, solidarité, lieux de rencontres", écrit Api.

D'autres épiceries automatisées ne proposent que la vente de produits locaux. C'est notamment le cas de trois établissements de l'entreprise Okou Shop, tous installés dans le Loiret. "On rencontre des producteurs et des agriculteurs pour leur proposer ce circuit de vente privilégié et sans concurrence", partage Sylvain, co-créateur de l'entreprise, qui espère désormais séduire une dizaine de nouvelles communes en 2026.

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"Maîtriser l'empreinte carbone"

Ces épiceries innovantes permettent ainsi de soulager le quotidien des habitants ruraux, mais aussi de limiter l'impact sur l'environnement.

En effet, selon un rapport d'information du Sénat datant de 2022, le maintien et le développement du commerce de proximité permettent de "maîtriser l'empreinte carbone liée à la consommation (...), en rapprochant l'offre de commerces et de services de leur demande et de leurs besoins".

À l'aube des élections municipales, cette question des "déserts alimentaires", et plus largement de la désertification des centres-villes, pourrait s'immiscer au coeur du débat politique.

Véran Escoffier