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Après les inondations, le traumatisme: "dès que les gouttes frappent un peu fort, il y a la peur"

Pompiers dans les rues inondées de la ville de Trèbes (Aude), le 15 octobre 2018

Pompiers dans les rues inondées de la ville de Trèbes (Aude), le 15 octobre 2018 - Pascal Pavani - AFP

Évacuation, angoisse de mort, perte des effets personnels, peur d'être emporté par le courant... Vivre une inondation laisse des traces chez les victimes, pour qui une simple pluie forte peut devenir une source de danger.

Depuis plusieurs jours, pluie et orages frappent le sud de la France, provoquant notamment des inondations. Jeudi, le ministre de l'Intérieur a annoncé que trois personnes étaient mortes en marge de ces violentes intempéries. Ce matin, près de 400 foyers restaient encore sans électricité dans l'Hérault et 300 dans le Gard.

Les dégâts matériels promettent d'être importants, tout comme les traumatismes psychologiques des victimes inondées, sous le choc, parfois réveillées en pleine nuit par la montée des eaux, et évacuées dans l'urgence.

"Les inondations ont quelque chose de particulier par rapport aux autres catastrophes naturelles, elles sont incontrôlables et imprévisibles", explique le psychiatre Christian Navarre, spécialiste des catastrophes, contacté par BFMTV.com.

"L'eau qui monte, c'est quelque chose qu'on ne peut pas arrêter", continue l'auteur de l'ouvrage Du traumatisme collectif à la catastrophe individuelle: Psychologie et comportements en situation de crises majeures. "Ça nous renvoie à notre fragilité d'être humain. Les gens sont surpris, frappés de stupeur. Quand on se réveille à 3 heures du matin dans sa chambre avec les pieds dans l'eau, c'est traumatisant".

"Les gens paniquent dès qu'ils ont 5 centimètres d'eau à la cave"

Le Var a été touché aujourd'hui par les inondations. Ce département a déjà vécu par le passé plusieurs drames à la suite de pluies violentes, comme le terrible bilan de 23 morts en 2010.

"Évidemment qu'il y a une inquiétude, notamment dans les zones qui ont déjà été inondées par le passé", explique le SDIS (Service Départemental d'incendie et de secours) du Var, contacté par BFMTV.com. "Les gens paniquent dès qu'ils ont 5 centimètres d'eau dans leur cave, dès que les gouttes frappent un peu fort, il y a la peur que ça recommence", continue le SDIS. "Mercredi, quand il a commencé à pleuvoir, on a été submergés d'appels: 2000 en 3 heures".

Les autorités locales martèlent des conseils pour la population sur les réseaux sociaux, avec les bons réflexes à adopter en cas d'intempéries violentes, comme le fait de ne pas prendre sa voiture, ou de ne pas s'approcher des cours d'eau. Un suivi en direct de la météo est également possible pour tenter d'évaluer le danger sur sa zone.

"Le syndrome du nuage gris"

Gérard Filippi a vu à deux reprises sa maison du Var inondée en 2014, avec jusqu'à 80 cm d'eau. "La première a été catastrophique, j'ai été pris au dépourvu", raconte-t-il à BFMTV.com. Il est désormais co-président de l'UNALCI (Union Nationale de Lutte contre les Inondations), région PACA. "L'intérieur de la maison a été détruit, comme le mobilier, on a dû faire tomber les cloisons, il ne restait que les quatre murs", raconte-t-il.

Il retient le mal-être de ses voisins, âgés de 76 ans alors, qui ont également subi l'inondation. "C'est plus dur pour les personnes âgées, eux ont perdu toutes leurs photos, leurs papiers, ils ont été évacués en barque de nuit, ils étaient traumatisés. Ensuite, dès qu'il y avait de l'orage, ils se calfeutraient chez eux, ils se protégeaient".

Habitants de Villeneuve-lès-Béziers, Hérault, après inondation, le 24 octobre 2019
Habitants de Villeneuve-lès-Béziers, Hérault, après inondation, le 24 octobre 2019 © Pascal Guyot - AFP
"C'est le syndrome du nuage gris", explique le Dr Navarre. "Pour les gens qui ont vécu des traumatismes après des orages, un nuage gris qui apparaît, c'est un danger".

"Il y a un syndrome post-traumatique quand on a eu sa maison deux ou trois fois sous plusieurs dizaines de centimètres d'eau", explique le SDIS. "Lorsque les pluies fortes arrivent en fin d'après-midi et que l'inondation se fait tard, les gens sont déplacés dans la nuit, en barques, sous les lumières des secours, c'est une atmosphère lugubre, impressionnante", qui marque, souligne le SDIS. 

"La pluie peut devenir source de mort"

Une analyse partagée par le psychiatre, car ce genre d'événement violent entraîne une angoisse de mort, appuyée par le choc d'avoir parfois perdu tout ce que l'on a, et la situation tout à coup très précaire dans laquelle une victime peut se retrouver. 

Car même après l'évacuation, après le reflux, des traces importantes restent chez les personnes ayant subi l'inondation. L'eau imbibe les maisons, et laisse derrière elle des moisissures, les lieux pourrissent et il faut parfois en partir définitivement.

"L'eau emporte tout sur son passage, même les souvenirs", déclare le psychiatre. "Tout d'un coup, la pluie peut devenir source de mort".
Salomé Vincendon