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Agé de 65 ans, il a cru toute sa vie être né sous X à cause d'une erreur de formulaire

Un enfant né sous X mais reconnu par son père pourra finalement lui être restitué a décidé la justice (illustration)

Un enfant né sous X mais reconnu par son père pourra finalement lui être restitué a décidé la justice (illustration) - -

Pendant 62 ans, Jean-Pierre Vidal a faussement été considéré par l'administration comme né sous X, l'empêchant de retrouver à temps sa mère biologique. Il demande aujourd'hui réparation en justice.

En 1985, Jean-Pierre Vidal a 29 ans. Abandonné à la naissance, il porte déjà en lui le poids d'une vie de souffrance. Après de premières recherches entamées quand il avait 14 ans, il décide de réitérer sa demande auprès du département du Cantal, afin de connaître l'identité de sa mère biologique.

Impossible, lui répond à l'époque la DDAS. "Une éducatrice m’a dit que ce n’était pas la peine de revenir, que le dossier était protégé et que je ne connaîtrai jamais mes origines", déclare aujourd'hui à France 3 cet homme de 65 ans, commerçant dans le village d'Espinat (Cantal).

Erreur de formulaire

Une réponse qui, près de 40 ans plus tard, résonne de manière toujours aussi douloureuse pour cet homme. Car Jean-Pierre Vidal aurait dû, à l'époque, pouvoir connaître l'identité de sa mère. Il n'est pas né sous X, comme l'a considéré toute sa vie l'administration, mais a été victime d'une erreur de formulaire lors de son abandon.

Sa mère ne souhaitait pas conserver l'anonymat. Son identité aurait donc pu lui être révélée lors de son adolescence, et aurait dû l'être à sa majorité, comme l'avance son avocat, Me Jacques Verdier.

"En 2019, j'ai fait une nouvelle tentative, poussé par ma femme. [...] On me dit que mon dossier a disparu du casier aux Archives départementales mais finalement, il est retrouvé. [...] On me recontacte le lendemain en me disant qu’il y a eu un gros problème dans le dossier. On me convoque en me disant qu’on pouvait me dire qui était ma mère", confie-t-il à France 3.

Mais à peine a-t-il le temps de s'émouvoir que le couperet tombe. Sa mère est morte en 1996 d'un cancer. Trop tard pour la retrouver. Quant aux autres membres de sa famille biologique, il apprend au même moment qu'il possède une sœur, un frère, des cousins et une tante. Il entretient peu de contact avec ces derniers, exception faite pour sa sœur, qui est malheureusement décédée l'année dernière.

"Je suis un homme brisé"

"J’ai été brisé dans ma jeunesse. Je suis mal dans ma peau à l’heure actuelle car j’ai toujours vécu sans famille. Je ne sais pas trop ce qu’est le mot 'je t’aime'. On aurait pu me dire d’où je venais et j’aurais été heureux", déclare Jean-Pierre Vidal, lui qui a connu dans sa jeunesse une famille d'accueil violente, la dépression à 14 ans, et l'impossibilité de se faire adopter par une médecin de Montpellier alors qu'il était adolescent.

Aujourd'hui, il se réjouit d'avoir, malgré ce parcours de vie, réussit à fonder une famille. Mais souhaite dorénavant que l'administration reconnaisse sa souffrance. Il a saisi la justice pour obtenir réparation de la part du Conseil départemental du Cantal ainsi que de l'Etat. L'audience doit se tenir le 7 février prochain au tribunal judiciaire d'Aurillac.

Jean-Pierre Vidal demande une détermination de la responsabilité entre l'Etat et le département, ainsi qu'une demande d'indemnisation, d'un montant de 400.000 euros.

Selon Me Jacques Verdier, l'Etat a déjà reconnu sa responsabilité, "puisque le préfet a écrit un courrier dans lequel sa responsabilité est reconnue. La chose est beaucoup moins nette en ce qui concerne le Conseil départemental".

Quant à la somme demandée pour l'indemnisation, elle est calquée sur des précédents, comme une affaire de substitution d'enfants à la naissance. L'issue du procès apaisera-t-elle la douleur de cet homme? Rien n'est moins sûr. "Je suis un homme brisé", estime-t-il.

Jules Fresard