A la radio ou sur Youtube, le sexisme ordinaire imprègne les blagues

Présenter les femmes comme hystériques, stupides ou encore volubiles fait rire, constate le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. D'après une étude publiée ce jeudi, 71% des chroniques des matinales radio mobilisent des ressorts sexistes.

Pourquoi rire avec les femmes quand on peut plutôt rire d'elles? L'humour sexiste est encore largement répandu, observe le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Pour parvenir à ce constat, l'institut a analysé différentes enquêtes et a mené sa propre étude, en novembre et décembre 2017, à partir d'un échantillon de chroniques humoristiques des matinales radio les plus écoutées, de trois vidéos les plus vues de deux Youtubeurs populaires, Norman et Cyprien, et des "blagues du jour" du site blague.info. 

Des blagues sexistes dans 71% des chroniques radio

"Le sexisme est tellement banalisé qu'il arrive même aux femmes de rire de blagues sexistes, observe Danielle Bousquet, présidente du HCE. C'est pour ça que la prise de conscience de ce qu'est le sexisme est très importante et elle ne peut se faire qu'à partir d'une enquête qui pose les termes complètement et qui montre l'imprégnation du sexisme dans les têtes", estime Danielle Bousquet.

Et le constat est sans appel. Dans les matinales radio, 71% des chroniques moquent les femmes, présentées comme hystériques, sottes, sensibles, fragiles et émotives. Seule la radio publique, France Inter, s'en sort un peu mieux que ses consoeurs avec une chronique quotidienne tenue par une femme, Charline Vanhoenacker, et d'autres humoristes adoptant un ton féministe. France Inter est également la seule radio dont la matinale est co-animée par une femme, Léa Salamé. Le bilan est moins positif sur Europe 1, où dix chroniques sur dix mobilisent des ressorts sexistes; huit sur dix sur RTL.

Attaques sur le physique et l'intelligence

Et dans les imitations, les références sexistes sont légion. Caricaturées par des hommes qui adoptent une voix suraiguë ou fluette, les femmes politiques ou people sont principalement moquées pour leur physique. Ainsi, Angela Merkel est qualifiée de "baleine rose" dans une chronique sur RTL tandis que sur Europe 1, on fait référence à l'âge et au dentier de Geneviève de Fontenay.

Le constat est encore plus alarmant sur YouTube. 83% des vidéos de Cyprien et Norman, visionnées par le HCE, ridiculisent les femmes avec des propos sexistes. L'injure est présente dans deux sketches sur six de Norman et Cyprien, et vise principalement le physique et l'intelligence des femmes.

Un autre humoriste, Rémi Gaillard, a été vivement critiqué sur les réseaux sociaux pour deux de ses vidéos - qui cumulent 23 millions de vues - où il simulait des actes sexuels avec des jeunes femmes non consentantes, dont une fois déguisé en chien. L'humoriste a réagi en taxant ses critiques de "prudes" et de "cons".

Le palmarès des injures sexistes

L'humour et les injures sexistes sont largement tolérées, note le Haut conseil à l'égalité. Les mots "salope", "pute" et "connasse" viennent en tête des insultes les plus courantes à l'encontre des femmes, selon les enquêtes Cadre de vie et sécurité (CVS) conduites par l'Insee avec l'Observatoire national de la délinquance.

"C'est quotidien", relève Danielle Bousquet: "Il y a deux jours, j'ai traversé la rue devant un homme à scooter qui m'a traité de vieille morue!"

Seules 3% des victimes d'injures sexistes portent plainte, mais rares sont les accusations qui aboutissent à une condamnation: seulement 4 en 2017. Le HCE réclame qu'une enquête annuelle sur le sexisme soit réalisée en France, à l'instar de l'enquête faite tous les ans sur le racisme.

Ambre Lepoivre avec AFP