13 novembre 2015: comment la France a musclé sa politique antiterroriste

Une sentinelle lors du festival interceltique de Lorient, le 6 août 2016. - JEAN-SEBASTIEN EVRARD - AFP
Après les attentats du 13 novembre 2015, la France a musclé comme jamais son arsenal juridique et policier face une menace inédite et protéiforme, mais l'efficacité du dispositif, parfois contesté comme liberticide, reste difficile à évaluer. Une source proche du dossier affirme cependant qu'une vingtaine de projets d'attentat ont été contrés cette année.
L'Etat d'urgence revient plus de cinquante après la guerre d'Algérie
Déjà engagé après les attaques de janvier 2015, le renforcement concerne chaque étape de la chaîne sécuritaire et pénale, avec de nouveaux outils d'investigation et de répression, une surveillance des sites sensibles et des peines aggravées. Pour la première fois depuis la guerre d'Algérie, l'état d'urgence, régime d'exception qui permet à l'autorité administrative (préfet, police) de prendre des mesures restreignant les libertés sans passer par l'autorité judiciaire, a été promulgué sur l'ensemble du territoire français. Il est toujours en vigueur, un an après.
A ce jour, plus de 4.000 perquisitions ont été réalisées dans ce cadre et 89 personnes sont encore assignées à résidence, selon le ministère de l'Intérieur. Mais l'efficacité du dispositif a été relativisé par la commission d'enquête parlementaire sur les attentats qui l'a jugé "utile mais limitée" et s'amenuisant avec le temps. Certaines associations et des magistrats dénoncent même un recul des libertés et de l'Etat de droit.
D'autres textes ont renforcé le dispositif antiterroriste dont la loi du 3 juin, présentée comme un "relais" de l'état d'urgence. Parmi les nouvelles mesures, les policiers sont désormais autorisés à perquisitionner de nuit les domiciles de suspects en cas de risque d'atteinte à la vie. Ils peuvent fouiller des bagages, retenir un individu durant quatre heures avant toute garde à vue pour examiner sa situation ou encore recourir à de nouveaux outils d'interception de communications. Ils peuvent aussi conserver leurs armes hors service et bénéficient d'un nouveau régime d'irresponsabilité pénale s'ils en font usage dans le cadre d'une action terroriste.
La justice aussi a changé de braquet
Au plan judiciaire, les pouvoirs et moyens du parquet antiterroriste ont été renforcés et la répression des infractions terroristes aggravée. Ainsi, les peines encourues dans certains dossiers d'association de malfaiteurs à visée terroriste, considérés non plus comme des délits mais comme des crimes, sont passées de dix à 30 ans. Les cours d'assises pourront prononcer une perpétuité "incompressible" contre les auteurs de crimes terroristes en portant la période de sûreté jusqu'à 30 ans (contre 22 actuellement).
En prison, le gouvernement a changé de cap, optant pour l'isolement et la dispersion des détenus radicalisés après l'expérience avortée de leurs regroupements dans des unités dédiées.
Vers un engorgement des tribunaux?
Depuis début 2016, quelque 360 personnes ont été interpellées dans des enquêtes antiterroristes et plus de 350 procédures judiciaires (concernant près de 1.400 personnes) sont en cours. La progression est exponentielle: on comptait 26 dossiers en 2013 et 136 en 2015. Rien qu'en 2017, le nombre de procès pour terrorisme aux assises va doubler, à sept ou huit par an. Et, s'il n'est pas encore programmé, le procès pharaonique des attentats du 13-Novembre devrait battre tous les records avec plus de 1.400 parties civiles déclarées.