Climat: l'érosion du littoral aquitain s'accélère

La résidence du Signal à Soulac-sur-Mer (photo de janvier 2014) a été évacuée. - Jean-Pierre Muller - AFP
Plus d’un quart du littoral français subit une érosion sensible. Le littoral aquitain a, lui, été littéralement mangé par la répétition exceptionnelle de tempêtes entre décembre 2013 et mars 2014, au point que le trait de côte (la limite entre la terre et la mer) a reculé sur cette période de 10 à 40 mètres selon les endroits.
"Il y a eu une succession de fortes tempêtes sur une courte période. Le cumul d'énergie généré par les vagues a été deux fois supérieur à la plupart des hivers des 50 dernières années", explique Cyril Mallet, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'un des auteurs d'un nouveau rapport de l'Observatoire de la côte aquitaine sur ces phénomènes.
"Entre décembre 2013 et avril 2014, on a eu quasiment deux hivers en un, huit tempêtes ont été extrêmement importantes. Elles ont généré un recul important du trait de côte. On estime qu'on a perdu 25 ans d'un recul moyen annuel. Ce qui fait qu'on est aujourd'hui sur les positions de trait de côte qu'on a avait prévu pour 2040", analyse Arnaud Gueguen, ingénieur du groupe d'intérêt public Littoral aquitain.
L'équivalent de 200 piscines olympiques a disparu
Chaque année, une partie du sable rendu à la mer par les tempêtes revient l'été par le biais de courants sous-marins, ce qui permet à des plages de se reconstituer. Mais cet été, le sable n'est pas revenu comme il aurait dû. Parmi les communes les plus touchées, Soulac-sur-Mer a perdu 600.000 mètres cubes de sable, l'équivalent de 200 piscines olympiques. La barre d'immeuble Le Signal se retrouve désormais au bord d'une falaise et les habitants ont été évacués. Ils se battent pour obtenir des indemnisations. Leurs appartements n'ont plus aucune valeur. "On nous a laissé tomber", s'époumone Jacqueline Gandoin, sinistrée de la résidence construite en 1967.
Protéger ou laisser reculer le front de mer?
Autre mesure de cette érosion accélérée: l'épaisseur de sable des plages a diminué de deux mètres et même de 3 à 4 mètres parfois, ce qui fragilise des ouvrages de protection, qu'ils soient naturels, comme les dunes, ou artificiels (digues, etc..). Et avec le réchauffement climatique, l'élévation du niveau de la mer devrait accentuer le phénomène d'avancée de la mer dans les terres.
Dans un tel contexte, la question de la stratégie à adopter se pose aux collectivités locales et aux gestionnaires des espaces côtiers. Lacanau, par exemple, vient d'investir trois millions d'euros pour protéger son front de mer avec 60.000 tonnes de pierre. "Cette protection est prévue pour tenir puisque elle est quatre fois plus haute que celle qu'il y avait auparavant. Mais on sait très bien qu'au fil des années, on sera rattrapé et il faut envisager ou de la renforcer ou de relocaliser", explique le maire Laurent Peyrondet.
Pris de vitesse par l'accélération du phénomène, la réflexion s'accélère sur la possibilité de détruire un millier d'appartements et une centaine de commerces du front de mer pour les reconstruire plus loin dans l'intérieur des terres. En parallèle, des projets immobiliers sont en cours de réalisation. Leurs habitants se retrouveront peut-être dans quelques années dans la même situation que les habitants du Signal à Soulac.