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Variole du singe: avec la progression de l'épidémie, la crainte des discriminations devient prégnante

Un homme en train de passer sur un passage piéton aux couleurs de la pride à Périgueux en mai 2018 (Photo d'illustration).

Un homme en train de passer sur un passage piéton aux couleurs de la pride à Périgueux en mai 2018 (Photo d'illustration). - GEORGES GOBET

L'inquiétude monte parmi les associations de défense des personnes LGBTQ et des professionnels de santé, alors que l'épidémie monte et que la vaccination patine face à l'impréparation du gouvernement.

Sur BFMTV lundi 25 juillet, le ministre de la Santé François Braun annonçait l'ouverture d'un nouveau centre de vaccination contre la variole du singe à Paris, alors que le gouvernement est sous le feu des critiques pour la lenteur de sa réponse face à la maladie. Depuis début juillet, sur les 300.000 personnes éligibles à la vaccination selon les associations - notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ou encore les travailleurs et travailleuses du sexe - seules 6000 ont été vaccinées.

Se voulant rassurant, François Braun a cru bon de préciser lors de la même intervention: "La maladie concerne un public bien précis, un public à haut risque. Bien entendu, on n'est pas dans une épidémie qui s'étend à la population générale. C'est vers des publics bien précis que l'action du gouvernement est concentrée".

"On ne peut pas nous exclure de la population générale"

Chez Act Up, association historique de lutte contre le VIH-Sida et de défense des minorités sexuelles, la sortie du ministre a été accueillie froidement. "Mais nous aussi on fait partie de la population générale!", s'indigne Eva Vocz, chargée de mission pour l'association.

Cette dernière ne nie pas l'importance d'évoquer les publics les plus touchés par la maladie. "Chez Act Up, on juge qu'il est important de nommer les choses, de dire que ce sont les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, les travailleurs et travailleuses du sexe, les personnes transgenres qui sont touchés", poursuit Eva Vocz.

"Mais on ne peut pas nous exclure de la 'population générale'. Et d'ailleurs, ce sont souvent des pères de famille qui se rendent auprès des travailleurs et travailleuses du sexe, en première ligne concernant la monkeypox. Comment croire que ces personnes issues de la 'population générale' ne vont pas ensuite transmettre la maladie à leur femme par exemple?", conclue-t-elle.

Un propos partagé par Matthieu Gatipon-Bachette, porte-parole de l'inter-LGBT, qui sur BFMTV ce mardi le gouvernement à "s'adresser à toute la population" face à une "épidémie qui va se diffuser".

La réaction d'Act Up suite aux propos de François Braun illustre la crainte qui agite les associations de défense des droits et des professionnels de santé, concernant un regain des stigmatisations à l'encontre des personnes LGBTQ, en pleine épidémie de variole du singe.

Normalement originaire d'Afrique, la maladie se répand en Europe depuis le mois de mai. Selon les derniers chiffres publiés par Santé Publique France, qui recensait au 21 juillet 1567 cas confirmés sur le territoire, "en France, 96 % des cas pour lesquels l'orientation sexuelle est renseignée sont survenus chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes". Un constat confirmé par une récente étude du The New England Journal of Medicine, qui rajoute que la majorité des contaminations intervient lors de rapports sexuels.

"Si ça touche les enfants, on est foutus"

Dans une communauté encore traumatisée par l'épidémie de VIH-Sida, présentée à l'époque comme un "cancer gay" ou un "châtiment divin", la peur d'être mise au ban de la société ou d'être pointée du doigt pour un problème de santé publique est encore vive. La frustration est d'autant plus grande que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ainsi que les travailleurs et travailleuses du sexe sont plus que désireux de se faire vacciner, en témoigne l'immense difficulté que rencontrent les publics éligibles pour obtenir un rendez-vous.

Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, tente de vacciner tant bien que mal les personnes inquiètes qui se présentent à son service. "Mes patients ont peur. Ils se disent: 'si l'épidémie continue de progresser et que ça vient à toucher plus largement les enfants, on est foutus, on va encore plus être pointés du doigt'", raconte-t-il à BFMTV.com.

Face au retard à l'allumage qu'a connu la vaccination, un élargissement de l'épidémie paraît à l'heure actuelle inévitable. La France n'a, selon les derniers chiffres, que 30.000 doses de vaccins antivarioliques, alors que le public éligible est d'environ 300.000 personnes selon les associations.

La peur pour les jeunes gays

Et face à une maladie particulièrement invasive, qui se caractérise par d'impressionnants boutons et nécessite une période d'isolement longue, on s'inquiète pour les plus jeunes, vivant encore chez leurs parents.

"Nous on a peur pour les jeunes. Ceux qui vivent chez des parents LGBTIphobes et qui ne sont parfois pas au courant de l'orientation sexuelle de leur enfant. La maladie peut se voir, elle nécessite de s'isoler. Il peut être délicat pour eux de se justifier dans la manière dont ils l'ont attrapée. On a peur d'une recrudescence des actes homophobes dans ces familles, ou même à l'école", souligne Eva Vocz d'Act Up.

La jeune femme souligne au passage ce qu'elle estime être l'hypocrisie de la classe politique, qui se caractérise à quelques rares exceptions par son attentisme face à cette maladie. "Quand c'était pour réagir aux propos homophobes de Caroline Cayeux, tout le monde souhaitait prendre la parole. Alors que sur la variole du singe, qui touche principalement des minorités, il n'y a personne", se désespère-t-elle.

Jules Fresard