BFMTV
Santé

Tentes dans le hall et tension extrême: à Bordeaux, les urgences débordent face au Covid-19

placeholder video
Tandis que les mesures anti-Covid-19 sont progressivement levées, certaines régions abordent seulement leur pic épidémique et peinent, déjà, à y faire face. A Bordeaux, les urgences du CHU sont débordées. Et la détresse de ses soignants renvoie l'écho d'un hôpital français sinistré.

La France est entrée mercredi dans une nouvelle phase de la lutte contre le Covid-19. Une ère d'allègement des contraintes sanitaires. Car l'heure est désormais à l'optimisme au sommet de l'Etat, malgré des statistiques toujours alarmantes, encore dopées par la diffusion galopante du variant Omicron.

On compte ainsi 32.852 patients hospitalisés en raison de leur contamination. Quant à la circulation épidémique, elle est très contrastée selon les zones. Tandis qu'elle décroît en Île-de-France, touchée la première par Delta et Omicron, d'autres régions aperçoivent à peine le pic, et peinent déjà à s'y confronter. C'est ainsi le cas en Gironde, où les urgences bordelaises ont atteint un point de rupture.

"Médecine de catastophe"

Dans le hall d'entrée du CHU Pellegrin, une chose saute d'abord aux yeux. Ou plutôt deux: les chapiteaux supportant deux tentes blanches où les patients sont accueillis. "Pour éviter que les gens ne meurent devant les urgences ou dans les couloirs des urgences – ce qui est déjà arrivé ces derniers mois – on a décidé de faire de la médecine de catastrophe, avec les outils de la médecine de catastrophe", justifie auprès de BFMTV Aude Grigoletto, médecin urgentiste, membre du collectif "Urgences Bordeaux".

"Il n’y a pas eu d’attentat ou de catastrophe absolue dans la nuit et pourtant on n’est pas du tout capable de prendre en charge des gens!" poursuit-elle.

En cause: les effets du Covid-19 et l'augmentation générale des passages aux urgences. La direction affirme que là où on soigne habituellement 130 personnes, on a dû se pencher, mercredi, sur 143. Mais pour les soignants, ce n'est pas tant cette hausse qu'un flux devenu trop important au quotidien qui s'avère désormais ingérable.

Les syndicats attendent "une prise de conscience"

Murielle Lamourelle, infirmière aux urgences et déléguée CGT, s'exclame ainsi: "Le flux de patients que nous on rencontre aux urgences n’est pas lié à ça! C’est un flux qui est constant, récurrent."

"J’ose espérer que ce ne soit pas une réponse pérenne parce qu'une tente de PMA dans un hall pas chauffé avec des portes qui s’ouvrent en permanence, ça ne me semble pas digne", dénonce-t-elle.

Son confrère syndicaliste, côté SUD, et infirmier anesthésiste pour sa part, Gilbert Mouden, estime de son côté: "Il faut vraiment des réactions, une prise de conscience pour augmenter le nombre de lits, la capacité de personnel dans nos hôpitaux".

En Gironde, le taux d'incidence était, pour la semaine s'étendant du 23 au 30 janvier, de 4107 cas pour 100.000 habitants, soit un bond hebdomadaire de 8,6%.

C'est en fait tout un tiers sud-ouest du pays, allant des Pyrénées-Atlantiques jusqu'à l'Indre, qui s'attend encore au pic et au pire du virus. D'un strict point de vue numérique d'ailleurs, ce n'est pas en Gironde que la situation sanitaire est la plus criante. Dans les Landes, par exemple, on marque plus encore le pas, avec un taux d'incidence mesuré à 4109,9 cas pour 100.000 habitants, au sortir d'un crescendo de 15,8% en une semaine.

"Des conditions aggravées en deux ans"

Peu importe le territoire, la détresse des soignants du CHU de Bordeaux et du Sud-Ouest apparaît comme l'illustration d'un triste panorama national. Jeudi, le Collectif Inter-Hospitalier (CIH), dont l'appel avait suscité le 14 janvier 2020 la démission en bloc de 1000 chefs de service protestant contre leurs conditions de travail, a présenté un terrible bilan-étape deux ans plus tard, comme France Culture l'a noté.

Via un questionnaire tendu à ces anciens démissionnaires et auquel 487 médecins, relevant d'une centaine d'établissements, ont répondu, le CIH a voulu prendre le pouls de l'hôpital français.

"‘La dégradation des conditions de travail est telle qu’elle remet en cause la qualité des soins et menace la sécurité des patients’. Pensez-vous que cette phrase est encore d’actualité?", interrogeait notamment le document. Oui, pour 34% des médecins composant le panel. Les autres, à hauteur de 65% des sondés, ont estimé que la situation s'était encore "aggravée".

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV