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Muscles, récupération... Les compléments alimentaires protéinés, produits miracles pour les sportifs?

Vos compléments alimentaires protéinés sont-ils vraiment la solution miracle pour vos muscles?

Vos compléments alimentaires protéinés sont-ils vraiment la solution miracle pour vos muscles? - Pierre-Oscar Brunet / BFMTV

C'est la nouvelle mode sur les réseaux sociaux et chez les sportifs: les compléments alimentaires protéinés. Pourtant, ces compléments ne s'adressent pas à tous et peuvent présenter des risques.

Sous forme de barre, poudre, boisson, limonade ou comprimé. Ce serait le nouvel allié des sportifs et sportives: les compléments alimentaires protéinés. Selon leurs promoteurs, ils permettraient de développer la masse musculaire, réduire la masse grasse, "booster la force et l'endurance" mais aussi favoriser "l'optimisation de la récupération musculaire post-entraînement".

Sur les réseaux sociaux, le sujet semble faire l'unanimité - en particulier les compléments qui se présentent sous forme de poudre. "La whey, le complément que tout le monde doit prendre", assène un influenceur. Whey? Ce mot anglais désigne la protéine de lactosérum, c'est-à-dire la protéine du petit-lait, et par extension une poudre de protéines à mélanger avec de l'eau ou du lait.

Des produits qui se démocratisent

Si certains précisent tout de même que "ce ne sont pas non plus des produits miraculeux" et qu'ils doivent être pris "en complément d'une bonne alimentation et d'une pratique physique assez régulière", de nombreux influenceurs en font l'éloge sans modération ni mise en garde.

"Les cinq premiers compléments alimentaires qu'un sportif doit absolument avoir dans sa cuisine", pérore l'une, précisant "en premier, les protéines". D'autres diffusent leur "top 3 des meilleurs compléments protéinés", qu'ils soient bio et/ou vegan, parfum vanille, pastèque ou pomme. Ou encore: "86g de protéines pour 100g de produit", harangue une autre à grand renfort de codes promo.

Traditionnellement utilisés par les culturistes, les compléments alimentaires protéinés se sont largement démocratisés ces dernières années et ne se limitent plus aux compétiteurs. Sur les réseaux sociaux, des sportifs qui ont une pratique de loisirs en vantent en effet les mérites - certains avec pour simple argument de perdre quelques kilos.

Un marché en plein essor et une mise en garde de l'Anses

Preuve en est: le secteur est en pleine croissance. L'année dernière, le marché de la nutrition sportive a explosé avec une hausse de 45% en volume et un chiffre d'affaires total de 37,6 millions d'euros, indique à BFMTV.com le Syndicat de la nutrition experte santé et bien-être Nutex. Dans le détail, ce sont les ventes de barres protéinées qui ont le plus augmenté (+69% en grandes et moyennes surfaces).

Pourtant, les autorités sanitaires ne sont pas aussi enthousiastes sur le sujet. L'année dernière, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) a renouvelé sa mise en garde concernant les compléments alimentaires protéinés. Entre 2016 et 2024, quelque 154 cas d'effets indésirables ont été déclarés à la suite d'une consommation de ces produits. Parmi eux, 18 ont été considérés comme très graves. Plus grave, quatre patients ont vu leur pronostic vital engagé. Pire, deux personnes en sont mortes.

Parmi ces effets indésirables: malaise, fatigue, fièvre, vertiges, mais aussi des effets digestifs et neurologiques avec des accidents vasculaires cérébraux, tachycardie et palpitations jusqu'à l'arrêt cardiaque.

Car l'Anses s'inquiète de la présence éventuelle de certains ingrédients, dont des stéroïdes anabolisants, du clenbutérol et de l'éphédrine, pourtant interdits à la consommation. "Leur présence dans les compléments alimentaires constitue ainsi une fraude et peut non seulement exposer le sportif consommateur à des risques pour sa santé, mais aussi à un résultat analytique anormal ('contrôle positif') lors d'un contrôle antidopage", alerte l'agence.

Des produits dits "adultérés", c'est-à-dire qui contiennent une substance active non mentionnée dans leur composition. À titre d'exemple, en 2023, le footballeur international français Paul Pogba a été contrôlé positif à la testostérone après un match; il avait consommé un complément alimentaire acheté aux États-Unis.

"Tout le monde peut en consommer"

Au-delà des interrogations quant à la composition parfois opaque de ces produits, l'autre problème majeur, c'est le mésusage. "T'es pas obligé de faire du sport, tout le monde peut en consommer", assure un influenceur santé/sport au sujet de ces compléments alimentaires. Une assertion dangereuse.

Pour Catherine Coirault, directrice de recherche à l'Inserm au Centre de recherche en myologie à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, le risque d'une consommation "abusive" de ces produits est réel, met-elle en garde pour BFMTV.com. En principe, ces produits ne doivent pas être consommés dans le cadre d'une pratique sportive de loisir et ne s'adressent pas à ceux et celles qui font un jogging deux fois par semaine.

"Sans entraînement adapté, c'est-à-dire un entraînement intensif et quotidien, le muscle ne va pas utiliser ces protéines", alerte pour BFMTV.com Jérémie Talvas, maître de conférences service de biochimie, biologie moléculaire et nutrition à l'UFR de pharmacie de Clermont-Ferrand. "Elles vont arriver au foie et aux reins avec le risque d'atteintes rénales, d'ammoniogenèse et de troubles tendineux".

Le chercheur craint en particulier que des adolescents ou de jeunes adultes qui souhaitent gagner de la masse musculaire soient séduits par les promesses de ces produits et en absorbent sans mesure ni encadrement médical. "Si on n'est pas un sportif professionnel ou un sportif de haut niveau avec des visées compétitives, on n'ingère pas quotidiennement des compléments protéinés", insiste Jérémie Talvas.

Jusqu'à 3 grammes par kilo et par jour?

En revanche, pour ceux-là, la situation est différente. "Les sportifs professionnels ou les sportifs qui pratiquent de manière intensive ont des besoins accrus en protéines, ne serait-ce que pour développer leur masse musculaire", reconnaît Catherine Coirault, spécialiste de physiopathologie musculaire et de la mécanobiologie du muscle squelettique.

Des besoins supplémentaires en acides aminés essentiels que le corps ne fabrique pas, c'est donc l'alimentation qui doit les apporter. "Les stimuli mécaniques du muscle entraînent la survenue de microlésions musculaires", explique l'Inserm. "Celles-ci vont favoriser la stimulation des cellules souches du muscle et leur incorporation à la fibre musculaire, ce qui va participer à l'augmentation de la masse musculaire. Ces microlésions sont ensuite réparées grâce à l'intervention de protéines."

C'est le cas des sportifs d'endurance (comme les marathoniens ou les traileurs) ou les sportifs de force (les culturistes ou rugbymen). Les premiers ont besoin de "1,5 gramme de protéines par kilo de poids et par jour", détaille Jérémie Talvas, qui fait également partie de l'équipe de recherche alimentation santé musculaire et sarcopénie à l'unité de nutrition humaine. Soit 112 grammes pour un individu de 75 kilos.

Pour les seconds, leurs besoins sont de "2 à 3 grammes par kilo et par jour", ajoute le chercheur. C'est-à-dire jusqu'à 225 grammes pour un individu de 75 kilos. Par comparaison, en population générale, les besoins quotidiens en protéines sont estimés à 0,83 gramme par kilo de poids corporel (chez les adultes en bonne santé).

En clair, cela représente 62 grammes par jour pour une personne de 75 kilos. Concrètement, c'est un steak haché (20 grammes), une portion de lentilles (10 grammes), autant avec deux œufs durs, une portion de parmesan ou un yaourt à la grecque.

L'importance d'une alimentation variée

Pour un sportif d'endurance, nuance Jérémie Talvas, "une alimentation classique, si elle est bien pensée, peut tout à fait couvrir ces besoins". En revanche, pour les sportifs de force, c'est plus compliqué. Car trois grammes de protéines par kilo, pour une personne qui en pèse 75, cela correspond à 11 steaks hachés.

"Tout le débat, c'est sous quelle forme ces protéines supplémentaires doivent être apportées", s'interroge la chercheuse Catherine Coirault. Car selon elle, la question n'est pas tranchée. "Il n'y a pas de résultats scientifiques formels qui montreraient un effet bénéfique sur le muscle à avaler des protéines sous forme de poudre plutôt que de blanc de poulet."

Si la scientifique reconnaît néanmoins des "différences d'absorption" entre les deux, elle rappelle l'importance de maintenir une alimentation équilibrée "avec des fibres", insiste-t-elle. Dont au moins cinq fruits et légumes par jour, des légumes secs (lentilles, haricots, pois chiches) au moins deux fois par semaine et des féculents complets au moins une fois par jour, détaille le site Manger bouger.

Dans ses fiches consacrées à l'assiette des sportifs, l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) mentionne la "poudre de protéines". Mais uniquement en collation de récupération, parmi d'autres choix, accompagnée d'un fruit et dans le cas où le repas suivant serait pris plus d'une heure après l'effort. Pour le reste des repas, l'accent est mis sur les protéines apportées naturellement (viandes, produits de la mer, œufs, produits laitiers, soja) et sur l'importance d'une alimentation variée.

Ce sur quoi insiste également la chercheuse Catherine Coirault. "Une alimentation équilibrée couvre largement les besoins en protéines de tous ceux et toutes celles qui ont une activité sportive de loisir, quand bien même elle serait régulière."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV