BFMTV
Santé

Les compléments alimentaires, un danger pour la santé? L'Anses alerte sur des risques

Des compléments alimentaires à base de de collagène dans une pharmacie - Image d'illustration

Des compléments alimentaires à base de de collagène dans une pharmacie - Image d'illustration - BFMTV

Des hallucinations, des allergies et même des risques d'hépatites... L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) alerte sur la prise accrue de compléments alimentaires, présentés parfois comme des "solutions minceur" ou "anti-stress", alors qu'un Français sur 4 en consomment désormais régulièrement.

Vitamines B, C, D ou oligo-éléments... Ils contribueraient à améliorer les apports nutritionnels des consommateurs, à mincir ou à avoir des beaux cheveux, sans que leur réelle efficacité soit prouvée. L'Anses anime ce mardi 25 mars une table ronde à la Cité des sciences à Paris, pour "déconstruire les idées reçues sur ces produits", alors que 37% des Français pensent à tort que les compléments alimentaires "compensent une mauvaise alimentation", selon le baromètre 2025 de l'esprit critique.

Les autorités sanitaires alertent également sur la consommation accrue et excessive de ces compléments alimentaires. Selon une étude publiée fin janvier par l'association NèreS, qui représente les laboratoires pharmaceutiques, le marché des compléments alimentaires a bondi de 56% depuis 2019, avec une augmentation de 6,3% rien que pour l'année 2024. Une dynamique qui s'est accélérée avec la crise du Covid.

Les consommateurs les plus importants sont les femmes, les individus âgés de 18 à 44 ans ayant un niveau d'étude élevé. Ces produits, principalement achetés en pharmacie alors que ce ne sont pas des médicaments, sont surtout consommés en hiver.

Cinq cas ont fait l'objet d'une alerte en 2024

Si la consommation est de plus en plus importante, les autorités sanitaires alertent sur "un risque de dépassement des limites de sécurité" particulièrement "lorsque des aliments enrichis entrent dans la régime alimentaire quotidien". L'Anses rapporte le cas de consommations de plusieurs compléments alimentaires en même temps, jusqu'à 15 dans le cas le plus extrême.

Le tout peut conduire à des allergies. En 2024, cinq cas ont fait l'objet d'une alerte ou d'un signal du fait d'une imputabilité élevée. Mais le nombre total de cas, jugés "analysables" par les autorités, a été moins élevé en 2024 en France que les précédentes années, avec 270 faits contre 524 en 2024.

Il existe de nombreux types de compléments alimentaires, conçus à base de plantes, de vitamines et minéraux, ou d'autres concentrés de substances à but nutritionnel et physiologique.

Un des dangers est "une toxicité intrinsèque de certains ingrédients" comme, par exemple, des composés génotoxiques retrouvés dans des huiles essentielles. Autre risque, "des interactions médicamenteuses", causées par certains compléments alimentaires qui peuvent provoquer des hallucinations, des confusions mentales ou une diminution de l'efficacité de certaines molécules.

"Une consommation banalisée à tort"

Certains compléments alimentaires, souvent achetés en ligne, sont notamment trop dosés. Ces achats sur Internet se sont "fortement développés chez les adultes depuis 2015, passant de 1% à 11%", selon les autorités.

"La consommation des compléments alimentaires est à tort banalisée, c'est le problème", explique auprès de l'AFP Irène Margaritis, adjointe au directeur de l'évaluation des risques. Depuis 2009, l'Anses a instauré un dispositif de nutrivigilance pour surveiller les effets indésirables.

Rien qu'en 2024, l'agence - qui n'a pas de pouvoirs de police sanitaire - a reçu plus de 500 signalements. Après analyse, elle émet en moyenne dix-sept alertes chaque année sur des produits dangereux auprès des pouvoirs publics. Le zinc peut créer par exemple des carences en cuivre, l'aloe vera est contre-indiqué en cas d'occlusion intestinale, ou l'échinacée en cas de pathologie du système immunitaire.

Quant à la vitamine D, l'Anses avait alerté en 2023 sur des surdosages chez des nourrissons liés à la prise de compléments alimentaires. Récemment, l'Agence sanitaire a aussi tiré l'alarme sur les "coupe-faim" à base de la plante Garcinia cambogia, après plusieurs cas d'atteintes hépatiques, dont un mortel.

En discuter avec un professionnel de santé

Les risques autour des consommations alimentaires sont particulièrement importants aussi car ils "ne nécessitent pas d'autorisation de mise sur le marché". "Autrement dit, aucune étude d’efficacité ou d’innocuité n’est requise avant leur commercialisation", précise l'Anses. L'agence renvoie à la responsabilité de l'industriel sur la conformité du produit, "tant en matière de sécurité que d’information du consommateur".

L'Anses rappelle qu'il n'est pas nécessaire de consommer des compléments alimentaires, notant que "les déficits d’apport et a fortiori les carences en nutriments sont très rares dans la population générale et concernent principalement la vitamine D".

Pour y faire face, l'Anses a créé le dispositif nutrivigilance en 2009 qui permet de "surveiller les effets indésirables liés à la consommation des compléments alimentaires". Si un signalement est jugé recevable, alors un collectif d'experts est chargé de définir un lien entre le produit et l'effet indésirable rapporté.

Il convient de demander conseil à un professionnel de santé avant toute prise de compléments alimentaires et ensuite de suivre les conditions d'emploi du produit. "Que ce soit pour de la fatigue ou un manque de tonus, il ne faut pas essayer de régler seul le problème en se jetant sur des compléments alimentaires", plaide auprès de l'AFP Aymeric Dopter, chef de l'unité d'évaluation des risques liés à la nutrition à l'Anses. "Derrière, il peut toujours y avoir quelque chose de plus grave et donc un retard de prise en charge."

Caroline Dieudonné avec Matthieu Heyman