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La difficile surveillance des variants du Covid-19 en France

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Jeudi, le ministère de la Santé a annoncé l'identification de deux clusters "à risque" de variants du Covid-19 en France, dont le variant britannique. On compte officiellement 22 personnes contaminées par les variants britannique ou sud-africain sur notre territoire. Leur circulation est cependant difficile à évaluer en raison d'un séquençage à l'ampleur limitée.

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, l'a dit: il surveille le variant britannique du Covid-19 "comme le lait sur le feu". S'il ne semble pas plus néfaste que la version originelle, le mutant anglais (on le désigne par son origine par commodité de langage car il est apparu il y a deux mois en Grande-Bretagne) est bien plus contagieux. Ainsi, au Royaume-Uni, le nombre de nouveaux cas de Covid-19 n'a cessé de dépasser le seuil inquiétant de 60.000 malades supplémentaires quotidiens cette semaine.

Il est également présent en France bien que celle-ci ait fermé ses frontières avec son voisin. À en juger par les chiffres, sa prévalence dans la population est pour le moment dérisoire, mais tout indique qu'il circule déjà, en grande partie sous les radars.

22 cas avérés de variants en France

Jeudi, le ministère de la Santé a dévoilé qu'on avait détecté 19 cas positifs au variant britannique du virus, auxquels s'ajoutent encore trois cas d'une autre variante, sud-africaine cette fois. Les autorités sanitaires ont d'ailleurs identifié deux clusters "à risque" relevant de variants. L'un renvoie à une unité de soin longue durée pour personnes âgées près de Rennes, où sept patients et deux membres du personnel de santé ont été dépistés positifs à une "souche différente" de la variation britannique.

L'autre détection, et cette fois du variant anglais, est celle d'une animatrice scolaire intervenant dans deux écoles de Bagneux, dans les Hauts-de-Seine.

Ce cas est d'autant plus déterminant que cette personne, dont la maladie s'est déclarée avant les vacances de Noël et qui a été aussitôt isolée, n'a pas séjourné au Royaume-Uni et n'a pas fréquenté d'individu y ayant voyagé. Il apparaît donc comme le signe d'une chaîne de contamination française, que les instances de la lutte contre la diffusion du Covid-19 tente à présent d'établir pour mieux la briser.

Problème: le variant est une anguille échappant le plus souvent au regard, ou qu'on ne pourrait voir qu'avec une certaine lentille. Comme le note Le Parisien, il a fallu un heureux concours de circonstances pour que le mystérieux cas de Bagneux parvienne à la connaissance des experts: c'est le laboratoire Biogroup, qui traite 40% des tests PCR d'Île-de-France, qui est à l'origine de la découverte.

"Il y a très peu de séquenceurs"

Dans son plateau d'analyse de Thiais, dans le Val-de-Marne, un biologiste a ainsi avisé deux dépistages suspects parmi les 4000 qui ont été soumis au laboratoire le 22 décembre. Ce biologiste, Jonas Amzalag, a expliqué ce vendredi matin sur BFMTV:

"Ce test intrigue parce que nous quand on dépiste, on analyse trois gènes. Et avec le mutant anglais, on se rend compte qu’un des trois gènes est négatif donc on obtient un profil particulier avec deux gènes positifs sur trois. Et ça nous met la puce à l’oreille".

Or, en plus de la perspicacité scientifique, fallait-il encore que le laboratoire soit équipé pour pouvoir repérer le mutant, ce qui n'a rien d'évident. Si le laboratoire de Thiais a envoyé les échantillons en question au Centre national de référence en infections respiratoires chapeauté par l'Institut Pasteur (CNR), Lionel Barrand, biologiste strasbourgeois et président du syndicat des jeunes biologistes médicaux, contacté par BFMTV.com, fait remarquer qu'"il y a très peu de séquenceurs en France".

La pratique du séquençage consiste, à grands traits, à détailler la composition de la molécule constituant la maladie. Et le ministère de la Santé est désormais très clair, comme on peut le lire dans son communiqué de jeudi:

"Les laboratoires doivent adresser au CNR pour séquençage, tout résultat de test positif pour une personne revenant du Royaume-Uni ou d'Afrique du Sud ou ayant été en contact rapproché avec une personne revenant de ces deux pays, ou tout résultat de test PCR pouvant évoquer la présence d'une variante virale".

Un séquençage systématique impossible

Lionel Barrand clarifie: "On ne faisait jusqu'ici que détecter le virus. Maintenant qu'on sait qu'il existe un variant d'importance, on met en place une stratégie pour avoir une image représentative de sa prévalence dans la population."

Et le dispositif n'est pas tout à fait aussi centralisé qu'il y paraît: "L'Institut Pasteur lui-même ne pourrait pas tout séquencer tout seul, il peut s'appuyer sur un réseau CNR. Si je prends l'exemple de mon cas personnel, j'envoie au CHU de Strasbourg qui en fait partie et peut séquencer".

Mais pourquoi alors ne pas imposer un séquençage systématique, plutôt que le circonscrire aux seuls positifs revenus du Royaume-Uni ou d'Afrique du sud et à leurs proches, comme le préconise depuis le 20 décembre le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies? Pour Lionel Barrand, la raison en est simple, c'est matériellement impossible: "On demande avant aux patients s'ils sont allés au Royaume-Uni ou en Afrique du Sud car on ne peut pas séquencer les deux millions de tests qu'on fait par semaine, ni même l'ensemble des positifs. Aucun pays d'ailleurs n'a cette capacité."

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV