Covid-19: qu'est-ce que la fluvoxamine, cet antidépresseur susceptible de réduire les formes graves?

Des pilules - Image d'illustration - Gatis Gribusts - CC
"La thérapeutique a été un peu oubliée de ce débat et c'est une très bonne chose qu'elle réapparaisse", lançait fin août sur BFMTV l'infectiologue Gilles Pialoux. Si les vaccins sont devenus le moyen de faire reculer la pandémie de Covid-19 cette dernière année, d'autres possibilités sont en effet actuellement à l'étude, notamment des traitements médicamenteux. Le dernier en date est la fluvoxamine.
Ce médicament antidépresseur est en mesure de réduire les hospitalisations chez les patients atteints de Covid-19 et présentant des risques de formes graves, conclut un essai clinique publié fin octobre dans le Lancet Global Health.
· Qu'est-ce que la fluvoxamine?
La fluvoxamine est déjà connue et utilisée. Elle "appartient à une famille de médicaments appelés inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)", peut-on lire dans la base de données officielles des médicaments, soit une famille d'antidépresseurs. Ce traitement "est indiqué pour traiter la dépression", mais il "peut également traiter les personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs". Son prix est de moins de quatre euros actuellement.
C'est "un médicament qui existe déjà et dont le coût est réduit", déclarent les chercheurs ayant mené cette étude, ce qui lui confère déjà un gros avantage pratique. Et il "diminue le risque de devoir recourir à des soins avancés chez (une) population aux risques élevés".
· Sur qui l'étude a-t-elle été réalisée?
De précédentes études laissaient déjà espérer que la fluvoxamine présente un tel intérêt contre le Covid-19, mais elles avaient été effectuées sur de faibles échantillons et leur méthodologie rendait leurs conclusions très incertaines.
Les auteurs de cette recherche ont dirigé des essais dans une dizaine d'hôpitaux brésiliens, sur près de 1500 personnes à risque de faire un Covid grave, pour estimer si la fluvoxamine permet d'éviter les hospitalisations de patients qui reçoivent ce produit rapidement. Ces patients présentaient au moins un facteur de risque: avoir plus de 50 ans, fumer, être diabétique, ne pas être vacciné...
Dans l'étude brésilienne, les scientifiques ont comparé l'efficacité du traitement en le donnant à une partie des participants, et en mettant un nombre équivalent de malades sous placebo. Ce sans que les soignants sachent quel traitement ils administraient à qui.
· Que dit l'étude?
L'étude a mesuré combien de malades de chaque groupe ont finalement été hospitalisés après 28 jours, ou ont dû à une occasion rester plus de six heures dans un service d'urgence. En fin de compte, les malades traités sous fluvoxamine ont été moins nombreux que ceux sous placebo - 11% contre 16% - à se retrouver dans l'une de ces deux situations.
"Cette étude laisse clairement penser que la fluvoxamine constitue une option efficace, sûre, peu coûteuse et plutôt bien tolérée pour traiter les malades du Covid-19 non hospitalisés", juge le chercheur Otavio Berwanger, non associé à l'essai, dans un commentaire aussi publié par la revue.
Quant au nombre de morts, il est plus difficile à interpréter. "Il y a eu un mort dans le groupe qui a pris de la fluvoxamine et 12 dans le groupe placebo", écrivent les chercheurs, soit une différence a priori énorme. Mais ces données sont obtenues en per-protocole, soit après le retrait dans les conclusions des personnes s'étant retirées de l'étude, comme le souligne Le Parisien. Si l'on prend toutes les personnes qui ont participé à un moment donné, on trouve 25 morts dans le groupe placebo contre 17 dans l'autre, une différence bien moins importante.
· Quelles sont les limites?
Otavio Berwanger pointe ainsi du doigt le fait que l'étude ne permet pas de conclure sur l'effet du médicament pour réduire les décès. D'autre part, ses conclusions sur la réduction du risque d'hospitalisation sont affaiblies par le fait d'avoir mélangé deux critères: l'hospitalisation et le passage aux urgences. Les auteurs expliquent avoir aussi pris en compte les séjours en services d'urgence car les hôpitaux brésiliens ont été surchargés par la crise du Covid et n'auraient pas pu prendre en charge des patients qui en auraient eu besoin.
Certains craignent d'ailleurs que le fait d'avoir fait l'étude au Brésil soit un biais conséquent dans leurs résultats. "Nous ne savons pas dans quelle mesure cela serait applicable dans un cadre en dehors du Brésil", déclare ainsi au journal scientifique Nature le spécialiste des maladies infectieuses Paul Sax.
Ces résultats prometteurs ne signifient donc pas que ce traitement va demain se retrouver dans les officines, et être officiellement recommandé contre le Covid-19. Mais il s'agit d'un signal encourageant vers la découverte d'un potentiel nouveau traitement.
